Note de problématique Atelier Paysans - Pêcheurs - 中欧社会论坛 - China Europa Forum

Note de problématique Atelier Paysans - Pêcheurs

Auteurs : Gérard Choplin

Date : 2007

Publié par Coordination Paysanne Européenne

Agriculture, alimentation, énergie :

A 50 ans , la PAC sera-t-elle mise à la retraite en 2012 ?

Une Europe sans paysans ?

Nourrir les hommes ou les voitures ?

Pour la souveraineté alimentaire maintenant

La PAC en sursis

En 2012, la Politique Agricole Commune de l’Union Européenne aura 50 ans. Aujourd’hui en 2007, ce n’est plus seulement la nature de cette PAC qui fait débat, c’est l’avenir même d’une politique agricole européenne qui est en jeu. A l’intérieur comme à l’extérieur de l’UE, des voix s’élèvent et des forces sont à l’oeuvre pour faire disparaître ou réduire à sa plus simple expression ce qui, pendant 40 ans, a représenté l’une des rares politiques publiques européennes. La mondialisation néo-libérale aura-t-elle raison de la PAC et plus généralement des politiques publiques en matière économique ? La PAC survivra-t-elle à sa crise de légitimité actuelle ? Les citoyens européens sauront-ils en mesurer les enjeux ?

Le contexte agricole européen et international a changé:

  • l’OMC en panne définitive ? depuis l’échec du G4 en juin à Potsdam et la fin du “fast track” du Président US fin juin, la négociation OMC est très probablement vouée à l’échec: depuis Cancún, les USA et l’UE savent qu’ils ne peuvent écrire les règles à deux comme avant : d’autres puissances ont émergé comme le Brésil, l’Inde et la Chine, qui représentent la moitié de la population mondiale, et à Cancun elles ont fait comprendre aux USA et à l’UE que les rapports de force avaient bougé. Si bien que l’UE et les USA semblent préférer maintenant les accords bilatéraux et régionaux, où ils sont plus en position de force. Là aussi les négociations sont difficiles et les pays en développement ont d’autres possibilités de financement que le FMI ou la Banque Mondiale, en grande perte de vitesse.

  • le réchauffement climatique et la crise de l’énergie apportent beaucoup d’incertitudes sur la géographie agricole des prochaines décennies. Quelle est la valeur agronomique des sols de la Sibérie et du nord Canada, jamais cultivés ? La libération de l’Arctique va fortement diminuer les coûts de transport de l’Europe, des céréales canadiennes vers l’Asie. Autour de la mer noire (Ukraine, Kazakhstan, Roumanie), il y autant de terres arables que dans toute l’Union Européenne. Si certains donc attendent cupidement le réchauffement, c’est il me semble l’occasion de dénoncer le modèle dominant de production et de commerce au niveau international, co-responsables de cette crise.

  • l’augmentation de la demande alimentaire au niveau mondial liée à l’augmentation de la population et à l’entrée de la Chine dans le modèle de développement et de consommation occidental.

  • climat, énergie, demande asiatique… et dérégulation provoquent ainsi des tensions stratégiques croissantes : jamais peut-etre l’alimentation, les produits agricoles n’ont été un enjeu stratégique aussi important.

  • la forte hausse des prix des céréales, liés à des facteurs à la fois conjoncturels et structurels, ainsi que la hausse du prix du lait sont très présents dans les médias européens à travers leur répercussion (anormalement élevée) sur les prix alimentaires.

Il est difficile encore de cerner ce qui est structurel et conjoncturel dans la situation actuelle.

  • d’une part la dérégulation du marché européen et international conduit à une plus grande volatilité des prix selon les niveaux de récolte : les mauvaise récoltes de l’hiver dernier en Australie, de cette année en Europe, conjuguées à la faiblesse des stocks font monter les prix.

  • d’autre part la demande croissante de l’Asie et en particulier de la Chine, ainsi que la demande croissante de céréales/oléagineux pour les agrocarburants peuvent être considérées comme des facteurs structurels sur le moyen terme. Cependant la croissance économique et la situation politique de la Chine restent fragiles et la perspective d’agrocarburants de seconde génération à base cellulosique modifiera la demande de céréales.

Les paysans européens disparaissent

  • Aujourd’hui, les paysannes et paysans européens disparaissent massivement, probablement plus d’un par minute. Leur revenu, pour une grande partie d’entre eux, provient davantage de subventions publiques que de la vente de leurs produits du fait des prix agricoles trop bas. Ce revenu est faible en moyenne, comparé aux autres catégories sociales de qualification équivalente. Les subventions européennes sont très mal réparties et concentrées vers une minorité de grandes exploitations. Les subventions, de plus en plus découplées de la production, sont contestées à l’intérieur de l’UE comme à l’extérieur.

  • Le manque de reconnaissance économique caractérisé par des produits agricoles achetés à prix inférieurs aux coûts de production, le manque de reconnaissance sociale d’une profession souvent considérée comme « assistée », avec des droits sociaux souvent inférieurs aux autres catégories sociales, et le manque de reconnaissance culturelle qui associe développement à un nombre réduit de paysans font que les jeunes se détournent de ce métier.

Quatre questions aux citoyens européens

Les citoyens européens veulent-ils garder une part importante de la production agricole nécessaire à leur alimentation sur le sol européen ?

La logique actuelle de l’UE inscrit l’agriculture dans une économie mondialisée dont le moteur est la recherche de la production au plus bas coût, donc dans les pays les moins chers, pour vendre là où le pouvoir d’achat permet un profit maximum. Rien d’étonnant donc si un nombre croissant de productions se délocalisent, à l’instar de l’alimentation animale: des firmes multi-nationales vont produire dans des pays du Sud les fleurs, le poulet, les fruits, les légumes (même bio), le vin de plus en plus, demain le sucre et d’autres produits pour le marché européen. Les citoyens estimeront-ils que pour des raisons stratégiques de sécurité alimentaire, l’UE doit maintenir une production agricole suffisante en Europe ? La forte hausse du prix des céréales et le developpement des agrocarburants risque de changer la donne en poussant à cultiver tout l’espace agricole.

Les citoyens européens veulent-ils garder des paysan(ne)s ?

Si les citoyens veulent garder une production agricole importante en Europe, l’enjeu est de savoir comment et par qui cette production agricole s’effectuera. La logique actuelle pousse à des exploitations de plus en plus grandes avec une diminution des paysans et une intégration croissante au secteur de la transformation et de la distribution. Si les citoyens veulent une agriculture sur tout le territoire, avec des produits diversifiés et bénéficier de la multifonctionnalité positive d’une agriculture de terroir à taille humaine, alors il faut permettre à ces exploitations de vivre et de se renouveler.

Quelles sont les conditions pour une PAC légitime ?

Pour réformer la PAC dans la bonne direction, c’est-à-dire la sauver, l’UE doit reconnaître ses erreurs et s’attaquer à une triple absence de légitimité:

  • Premièrement le manque de légitimité internationale, car elle continue à exporter beaucoup de ses produits agricoles à des prix inférieurs à ses coûts de production: les règles truquées du commerce international agricole sont à revoir.

  • Elle doit deuxièmement reconnaître le manque de légitimité sociale, car elle distribue très mal les fonds publics entre les agriculteurs, entre les secteurs de production, entre les pays. Des subventions bénéficiant essentiellement à l’agro-industrie et la grande distribution n’est sans doute pas la priorité des contribuables. Mais ce n’est pas parce que les subventions actuelles ont peu de légitimité sociale que tout idée de soutien public est à rejeter: il faut simplement débattre des conditions de leur légitimité.

  • Enfin troisièmement, l’UE doit reconnaître la manque de légitimité environnementale. Bien que la Commission se soit évertuée à vendre sa réforme de la PAC de 2003 au nom de l’environnement, la réalité est bien différente. Cette réforme ne s’attaque en rien à l’élevage industriel, le découplage entre les subventions et la production accentue au contraire la concentration de l’élevage dans des exploitations plus industrialisées et pénalise financièrement l’élevage sur prairies par rapport à l’élevage intensif à base de maïs.

Les agro-carburants vont-il sauver l’agriculture européenne ?

La nouvelle coqueluche du monde agricole est-elle crédible pour répondre à la crise paysanne et à la crise énergétique? D’abord, l’agriculture devrait revenir à son rôle premier, qui est de transformer grâce aux plantes l’énergie solaire en énergie alimentaire. Or l’agriculture intensive est devenue plus consommatrice d’énergie que productrice. Il est curieux que ce soit d’abord des plantes cultivées intensivement et nécessitant tant d’apport énergétique extérieur (engrais, forte mécanisation, …) comme les oléagineux, le blé ou la betterave que l’on cherche à transformer en agrocarburants alors qu’il y a pour le moins débat sur le bilan énergétique complet. Ensuite, il est tout à fait souhaitable que les exploitations puissent produire l’énergie dont elles ont besoin pour leur production, comme autrefois l’avoine pour les chevaux. Il faudrait promouvoir l’huile d’oléagineux pressée à la ferme ou dans petites unités très décentralisées. Mais ce sont pourtant de gros projets industriels qui sont mis en avant pour fournir des carburants pour les transports, sans réflexion globale sur l’agriculture, la consommation d’énergie, ni sur la frénésie de transport lié à l’économie néo-libérale et à la mondialisation.

Les subventions PAC, concentrées sur les grandes exploitations, pourraient-elles ainsi devenir des subventions énergétiques, avec une légitimité plus facile à obtenir du citoyen parce qu’une meilleure autonomie énergétique aurait à ses yeux plus d’importance que l’autonomie alimentaire, qui n’est pourtant pas garantie ? Ces subventions aux agro-carburants pourraient de surcroît ne plus dépendre du budget agricole, ce qui arrangerait ceux qui veulent le diminuer fortement. Ce sont quelquefois les ficelles les plus grosses qui passent le mieux………

L’UE a besoin de maintenir une PAC, mais de la réformer pour qu’elle soit légitime, durable et solidaire. Le droit de souveraineté alimentaire, incompatible avec l’OMC, est une condition pour l’établissement d’une telle politique agricole en Europe.

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