Thème III : La paix en Europe et en Asie orientale
Thème III : La paix en Europe et en Asie orientale
La situation stratégique en Asie orientale est réputée imprédictible et l’on peut partout y entendre les rumeurs de la paix comme celles de la guerre. Les soixante dernières années ont prouvé que l’Europe avait non seulement immensément contribué à réunifier et à pacifier le continent, mais proposait de surcroît de nouveaux modes de réflexion et de gouvernance pour instaurer partout une paix durable. Dans quelle mesure peut- on appliquer à la construction de la paix en Asie orientale l’expérience et la sagesse européennes ? Tels furent les points abordés lors de cette session.
1. La sagesse qui a présidé à la construction de la paix en Europe et l’approfondissement de la confiance mutuelle sont des éléments cruciaux.
Comment la paix a-t-elle été construite en Europe ? L’ancien ambassadeur de l’U.E auprès de l’OMC Paul Tran Van Thinh affirme que la transition de la guerre vers la paix en Europe est désormais irréversible : après cinq siècles de guerres et de conflits la réconciliation et la paix sont chères aux cœurs de tous. D’où provient la sagesse mise en œuvre dans l’expérience européenne ? Monsieur Rosenberg avance que l’élément majeur constitutif de cette sagesse est précisément la confiance. Le Docteur ZHANG Baohui de l’Université Lingnan partage ce point de vue et considère que le passage des plans militaires vers une plus grande transparence est porteur de confiance mutuelle. Ambassadeur Tran fait observer à son tour que la société civile devait jouer un rôle clé dans l’instauration de la paix, cette grande cause.
Quelles sont les leçons à tirer de l’expérience européenne pour les relations sino japonaises après la seconde guerre mondiale ? Le Docteur ZHANG Baohui relève que l’Europe et l’Asie orientale ont des modèles de développement différents. Après la seconde guerre mondiale l’Europe est passée d’un modèle multipolaire à un modèle unifié tandis que l’Asie en est encore au modèle multipolaire. Il ajoute que le sentiment d’insécurité va de pair avec rivalité en matière de sécurité et de défense, affaiblissement de la coopération entre les gouvernements et défiance accrue entre pays. C’est pour ces raisons que l’instauration d’un cadre de coopération entre pays fut si difficile à établir en Asie orientale.
2. Les conflits territoriaux en Asie ne peuvent être ignorés, les Etats-Unis jouent un rôle important en Asie.
Quels sont les principaux facteurs à l’origine du processus de paix après la seconde guerre mondiale ? Le Docteur ZHANG Baohui ajoute que les différences de systèmes politiques entre la Chine et le Japon ont fait obstacle à la confiance mutuelle et que, si les problèmes en Asie se sont révélés plus délicats, c’est parce qu’il y a eu un grand nombre de questions territoriales non résolues. Comment définir le rôle des Etats-Unis ? Le professeur Takanori Kitamura de l’Université Chinoise de Hong Kong croit que la mentalité des Etats-Unis a beaucoup changé et que, du moins d’un point de vue constructif, ils pourraient jouer un rôle positif à l’avenir en Asie.
3. Pour favoriser les propos sur la paix, il faudrait faire de la paix une valeur universelle.
Le professeur Wang Jianwei de l’Université de Macao a fait valoir l’idée que les facteurs qui affectent en commun la stabilité de l’Europe et de l’Asie orientale englobaient la capacité de réaliser la réconciliation historique, le rôle des pouvoirs étrangers et le développement interne propre à chaque pays. Le Docteur CHEN Yan, directeur général du Forum Chine- Europe, considère que les pays d’Europe partageaient, après la seconde guerre mondiale, des valeurs communes et des systèmes politiques démocratiques. C’était une base solide pour parler de paix et d’intégration. La paix doit être considérée comme une des valeurs universelles et ce n’est que lorsque le cadre de la négociation se fondait sur la reconnaissance de ces valeurs que les différentes voix s’exprimaient peu à peu à l’unisson.
4. L’Asie résiste fortement à l’intégration - on en est encore au stade des freins et des contrepoids.
D’où provient la résistance de l’Asie à l’intégration ? Ambassadeur Tran estime que les pays d’Asie devraient faire la paix entre eux sans que les Etats-Unis ou que les pays d’Europe s’en mêlent. En outre, une base économique solide, l’éducation, la recherche et la participation de la société civile sont primordiales pour la construction et le maintien de la paix. Le professeur Takanori Kitamura a renchéri sur ce thème en ajoutant que l’éveil de la Chine serait un facteur très important pour la mise en place d’un cadre d’intégration en Asie. Si, avec le renforcement de sa puissance nationale, la Chine tentait de résoudre les problèmes à elle seule, les autres pays d’Asie ne pourraient pas l’accepter. Le Docteur ZHANG Baohui pense la croissance économique et le changement des attitudes font que les autres pays d’Asie commencent à se méfier de la Chine, ce qui rend la coopération plus difficile.
5. Quel est le type de structure commune que l’Asie orientale devrait installer ?
Le professeur Takanori Kitamura rétorque qu’il n’existe pas de réponse définitive pour le moment. Il estime qu’il est cependant possible de partir de la réalité et de tenter d’établir une coopération régionale en allant du plus facile au plus difficile dans le processus de coopération et d’intégration. Monsieur Rosenberg rappelle alors à l’assemblée que les bases établies en Europe comportaient plusieurs niveaux incluant l’économie, la sécurité et la défense où conférences, organisations etc et confiance mutuelle ont connu une progression constante.
6. La réconciliation sino-japonaise requiert un redoublement d’efforts : la création d’un cadre implique des limites.
Quel est le regard que porte le Japon sur l’histoire de ses agressions ? Le professeur Takanori Kitamura croit à l’importance du rôle de l’éducation et estime que Chine et Japon devraient améliorer la présentation de l’histoire du Japon dans leurs manuels scolaires et la Chine, son éducation patriotique. Nous ne pourrons avancer vers l’avenir qu’en tenant compte de l’histoire. Le professeur Wang Jianwei estime que de nombreux pays d’Europe Occidentale désirent véritablement une structure supranationale et suprafrontalière mais que les pays d’Asie Orientale ont encore du chemin à faire pour parvenir à cette étape. Le Docteur ZHANG Baohui ajoute quant à lui, que la Chine est prête, en matière d’économie, à franchir les barrières de la souveraineté et à s’ouvrir à l’internationalisation. En matière politique toutefois, la Chine persiste à mettre l’accent sur sa souveraineté.