Le coaching intercultuel au service de l’expatriation
Par ZHENG LIHUA
1. Le Coaching, une nouvelle forme de pédagogie Coaching est un terme sportif. La démarche en question est en effet une inspiration de la nouvelle pédagogie du sport s’appuyant sur la théorie psychologique du joueur intérieur inventée par Timothy Gallwey dans les années 1980. Selon cette théorie, si le coach parvient à amener le joueur à lever ou contrôler les obstacles intérieurs qui l’empêchent d’atteindre son niveau optimum de performance, son potentiel naturel se manifestera sans qu’il ait besoin d’un apport technique massif de l’extérieur. Le but du coaching est donc de libérer le potentiel du joueur pour le porter à son niveau de performance optimal. Il s’agit de lui apprendre à apprendre par lui-même le meilleur geste technique plutôt que de lui inculquer un savoir extérieur qui ne lui correspond que partiellement. Le coaching appliqué aux autres domaines utilise les mêmes principes et cherche à développer le potentiel des individus. Le coaching se déroule souvent sous forme d’entretien individuel entre le coach et son coaché. L’espace de parole doit être protégé, et la confidentialité, garantie. Le postulat de départ est clair : chacun dispose en lui-même de ses propres réponses à ses questions ; ce que le coach a à faire, c’est d’amener le coaché à progresser dans la connaissance de soi et des lois psychologiques et à dépasser ses limites psychologiques pour libérer au maximum son potentiel. Depuis une dizaine d’années, le coaching est à la mode et semble pouvoir porter remède à tout. Des types de coaching se multiplient au fur et à mesure de l’expansion du marché, ainsi existe-t-il désormais toutes sortes de coaching : coaching stratégique, coaching de résolution, coaching de personnalités, coaching de relations, coaching de manager, coaching de personnes, coaching de situation, coaching de conformité, coaching de développement, life coaching, corporate coaching, executive coaching, coaching de dirigeants, coaching offensif, coaching défensif… Et on voit apparaître des associations des coachs, des cabinets spécialisés dans le coaching, des écoles de coaching, des séminaires traitant de codes déontologiques, de recherche de transparence et de pédagogie concernant le coaching, sans parler des livres, des revues et des articles qui surgissent en grand nombre. Dans cet article, nous allons essayer de montrer que le coaching pourra être une nouvelle forme de formation au service de l’expatriation, période difficile de mutations géographiques, culturelles et psychologiques.
2. Pourquoi le coaching interculturel ? Le coaching est un produit de notre époque où nous vivons quotidiennement des paradoxes insurmontables : d’une part, l’augmentation de la pression des exigences souvent contradictoires imposées aux managers ou qu’ils s’imposent eux-mêmes s’accompagne d’une solitude, renforcée de nos jours par les nouveaux outils de communication qui réduisent les contacts humains ; d’autre part, les managers, prenant de plus en plus conscience des limites du modèle mécaniste et taylorien centré uniquement sur le rationnel, donnant priorité à l’économique et privilégiant l’optique à court terme, aspirent plus qu’autrefois au bien-être au travail et à l’équilibre de vie, cherchant à valoriser les relations personnelles, à donner priorité à l’humain et à se réapproprier les dimensions affective et symbolique. Le coaching se situe dans cette évolution sociologique de rééquilibrage de l’humain et de l’économique dans l’entreprise, et de réconciliation entre l’émotionnel et le professionnel. « Le coaching arrive au bon moment. Au moment où la perte de sens dans l’entreprise diminue à la fois l’efficacité du management et le plaisir au travail. Au moment où le repli sur soi dans la vie quotidienne est érigé en mode de communication, où la prise en compte de l’autre devient un luxe aléatoire. Au moment où le changement rapide sans repères stables est la règle du jeu dominante des entreprises » (Giffard, 2003 : 183). Le coaching interculturel répondra au besoin des managers en situation d’expatriation qui non seulement les place devant les paradoxes mentionnés ci-dessus, mais encore les expose à des difficultés particulières émanant du contact interculturel et aux risques de chocs culturels provoqués par des pertes d’équilibre psychologique. L’expatriation est une expérience déstabilisante au plan existentiel. C’est un parcours difficile, semé d’obstacles non seulement économiques mais surtout culturels et humains. En effet, les difficultés qui risquent le plus de paralyser l’expatrié sont plutôt d’ordre symbolique et psychologique. Les obstacles de communication sont un premier facteur qui pourrait déstabiliser l’expatrié : il se trouve avec des personnes qui n’ont pas le même système d’interprétation que lui, c’est-à-dire qui n’interprètent pas de la même façon une situation en apparence similaire et qui ont une autre lecture des objectifs, des relations hiérarchiques, de la prise de décision, des conduites, etc. ; à cause des difficultés de langue, il n’est pas sûr d’avoir bien réussi à comprendre et à être compris. Ces difficultés de communication interpersonnelle se traduisent souvent par un haut niveau de stress, de tension et de frustration. Puis, viennent les questions d’attitudes : les stéréotypes, les craintes de l’inconnu et le rejet de l’autre pourraient provoquer un climat de méfiance, difficilement vivable pour ceux qui débarquent dans une autre culture. Enfin, et ce qui nous semble le plus important, il y a le risque de troubles psychologiques, obstacles émanant de l’expatrié lui-même. Il s’agit de phénomène de choc culturel qui se produit souvent lors d’une expérience de transition importante. L’expatriation implique des contacts interculturels de plus longue durée que ceux liés au tourisme ou à un voyage de mission. Au fil de son séjour à l’étranger, l’expatrié passe par différentes phases. Selon A. Joly, après une première phase d’enchantement qui engendre une attitude d’exotisme, un désir de découverte, une curiosité face à la nouveauté et une ouverture bienveillante, l’expatrié entre souvent dans une seconde phase de désenchantement dominé par un négativisme outrancier et qui découle, entre autres, de la relativisation du sentiment de toute-puissance des premiers temps, de la découverte des limites explicatives de l’ancien cadre de référence et des difficultés de relation avec les autres. La troisième et dernière phase correspond à un mouvement de balancier entre les deux pôles que sont le rejet ou l’assimilation (dans Chevrier, 2000 : 164). Nous insistons sur cette deuxième phase car c’est le moment où se produisent le plus souvent des chocs culturels. L’anthropologue K. Oberg définit le choc culturel comme un traumatisme généralisé qui survient au contact d’une culture différente, la personne étant soudain privée de ses repères habituels. D’après lui, le choc culturel est précipité par l’anxiété résultant de la perte de tout signe et de tout symbole familiers dans les relations sociales. C’est de ces signes inscrits dans les mille et un repères de la vie de tous les jours, que dépendent l’équilibre mental et l’efficacité d’un individu (dans Moran et Xardel, 1994 : 213). Parallèlement à l’évolution sociologique cherchant à concilier le professionnel et l’émotionnel, on assiste à un autre mouvement lié à l’interculturel caractérisé par la recherche du développement professionnel et personnel dans une autre culture. Les contacts entre les cultures sont de plus en plus valorisés, les différences ne sont plus perçues seulement comme des obstacles à surmonter, mais aussi comme des sources d’enrichissement et des opportunités. L’expatrié qui part à l’étranger, est motivé non seulement pour connaître la culture de l’autre, mais aussi pour mieux comprendre la sienne propre, ainsi que le dit Hall : « La raison fondamentale qui pousse un homme à se pencher sur une culture étrangère, c’est d’acquérir une meilleure connaissance de sa propre culture » (Hall, 1984 [1959] : 48). Le désir de réussir une expérience à l’étranger et de connaître l’autre et soi- même est à la fois la condition préalable et le vrai déclencheur du coaching interculturel. Pour sortir des difficultés liées aux contacts culturels, les solutions sont multiples : on peut se débrouiller tout seul, ou participer à des formations ou se faire aider par des collègues. Le coaching interculturel est une des solutions possibles visant surtout la mise à jour des univers de sens des partenaires et en particulier des différentes conceptions qui posent problème. Cette mise à jour a davantage de chances d’aboutir si elle est conduite par un médiateur culturel. Ceci notamment parce que l’expatrié lui-même est souvent enfermé dans son inconscient culturel. En effet, notre quotidien se compose d’une multitude de routines, d’expériences qui nous apparaissent comme allant de soi concernant le fonctionnement du monde, les façons de faire, les façons de penser qui ont été transmises à chacun depuis l’enfance et auxquelles le sujet s’est identifié. Selon R. Carroll, l’auteur du remarquable ouvrage Evidences invisibles, « il s’agit des prémisses dont nous tirons constamment nos conclusions. Ces prémisses, nous n’en avons pas conscience parce qu’elles sont, pour nous, des évidences. C’est tout ce qui, pour nous, « va de soi », et est donc transparent » (Carroll, 1987 : 18). Dans le même sens, F. Trompenaars utilise l’expression postulat de base lié aux problèmes de la vie quotidienne : « Un problème, dont la solution est immédiatement et toujours apportée, disparaît de nos consciences. Cela devient un postulat de base, un axiome sous-jacent. Vous ne réalisez que vous avez besoin d’oxygène que lorsque vous essayez de vous débarrasser d’un hoquet et que vous retenez votre souffle aussi longtemps que vous le pouvez » (Trompenaars, 1994 : 31). A cause du caractère inconscient de l’univers des sens, il nous est parfois difficile de nous en sortir tout seul. Hall souligne la nécessité d’une intervention extérieure lorsqu’il parle de l’inconscient culturel : « Comme l’inconscient de Freud, l’inconscient culturel est soigneusement caché, et comme les patients de Freud, nous sommes à jamais mus par des mécanismes qui ne peuvent être examinés sans aide extérieure » (Hall, 1979 [1966] : 151). Et c’est là, dans cette nécessaire intervention extérieure, que se justifie le rôle du coach consistant à aider le coaché à creuser les évidences invisibles, à décrypter les univers de sens propres à l’une et à l’autre cultures, à établir une distance par rapport à ses propres représentations et à développer un nouveau regard aussi bien sur autrui que sur soi-même.
3. La formation culturelle traditionnelle et le coaching interculturel La formation culturelle traditionnelle est étroitement liée à l’approche fonctionnaliste de la culture de Malinowski (1968) selon laquelle chaque culture correspond à la mise en oeuvre de moyens particuliers d’intégration sociale et d’adaptation à l’environnement, permettant la survie et la pérennité du groupe. Autrement dit, derrière la variété des formes culturelles, se profile l’universalité des fonctions ; les hommes sont fondamentalement identiques, ils ont les mêmes besoins (Chevrier, 194 : 152). En ce qui concerne la coopération interculturelle, la conception fonctionnaliste prône qu’au-delà des différences entre les codes culturels locaux, les êtres humains partagent les mêmes intérêts économiques. Ce que les personnes engagées dans l’interculturel ont à faire, c’est donc de reconnaître les spécificités culturelles de leurs partenaires, d’en tenir compte et d’agir en conséquence. Ces spécificités peuvent résider dans divers domaines comme les langues, les croyances religieuses, les systèmes sociaux, les codes et étiquettes dans les relations, les gestes et salutations, les valeurs, les us et coutumes, les tabous, les habitudes alimentaires, etc. C’est là où intervient la formation culturelle qui consiste à aider les gens à connaître le code du partenaire et à les préparer aux malentendus culturels. Il s’agit de prévenir ou de réparer les « pannes de la communication en explicitant les non-dits, en simplifiant le langage et en excluant ses préjugés (Simons et al. dans Chevrier, 1994 : 153). Dans cette formation de sensibilisation culturelle, on donne également des conseils sur les attitudes à adopter et propose souvent des listes de conduites à tenir et à éviter. La formation culturelle repose donc sur le postulat que la collaboration interculturelle est une affaire de code et qu’une information fournie par cette formation pourra permettre aux gens de connaître le code de l’autre et de lever les malentendus qui résultent de l’ignorance de ce code. Le coaching est différent de la formation culturelle traditionnelle sur plusieurs points. D’abord, en ce qui concerne la forme : au lieu de se dérouler dans un cours magistral où c’est surtout le formateur qui parle, le coaching prend souvent la forme d’entretien privé dans un espace protégé de la réalité extérieure et à un moment privilégié de concentration où le coach donne le meilleur de lui-même et où le client ne se préoccupe que de lui-même. Le questionnement est l’outil principal du coaching. Les questions ouvertes du type : « pourquoi », « qu’est-ce qui te fait dire cela » « comment fais-tu » « peux-tu me donner un exemple » « comment expliques-tu cela » permettront au coaché de visualiser son propre système de représentation, de clarifier sa situation et de trouver l’énergie pour passer à l’action afin de trouver des solutions. La forme d’entretien rapproche le coach du consultant et du thérapeute. Mais le coach n’est ni consultant ni thérapeute : le consultant apporte des solutions et fait des recommandations pour traiter une problématique alors que le coach conduit le coaché à trouver lui-même des solutions ; le thérapeute aide son patient à comprendre les causes de ses difficultés, à éclairer son passé et à répondre à la question : pourquoi ? alors que le coach conduit son coaché à comprendre ce qu’il ressent au moment présent et à répondre à la question : comment faire pour trouver des solutions à l’avenir. La deuxième différence concerne les objectifs de la formation. Dans une formation culturelle traditionnelle, il s’agit d’apprendre des informations sur les différences culturelles consistant souvent en un catalogue de recettes à l’usage des praticiens et accompagné d’un discours théorique qui moralise les bons sentiments, le respect de l’autre, la tolérance et l’intercompréhension mais qui perd souvent de vue la réalité concrète des échanges interculturels. Un coaching interculturel au service de l’expatriation est un suivi de l’expatrié sur place, c’est-à-dire qu’il est basé sur l’expérience concrète du coaché qui, affronté à la réalité interculturelle, éprouve le besoin et le désir d’une compréhension plus profonde de telle ou telle situation lui posant problème. Par ailleurs, le coaching est plutôt une forme d’acquisition de l’aptitude visant l’accroissement des compétences sociales et des capacités interpersonnelles. En d’autres termes, il ne s’agit pas simplement de réparer des ignorances sur les cultures, mais de prendre conscience d’attitudes plus ou moins profondes et de redresser des orientations de la personnalité. Cette réorientation implique deux changements de perspective : le premier est la décentration culturelle (Tardy, cité dans Abdallah-Pretceille, 1996 : 154). Cela consiste à déplacer notre point de vue et à observer les comportements des autres non pas avec notre propre regard mais avec le leur, c’est-à-dire « regarder autrui avec les yeux d’autrui » (Maucorps et Bassoul, cité dans Abdallah-Pretceille, 1996 : 139). Pour réussir ce changement de perspective, nous devons essayer de « considérer chaque élément culturel en rapport avec la culture dont il fait partie » (Mead, cité dans Abdallah-Pretceille, 1996 : 203), c’est-à-dire de replacer les comportements de l’autre dans leur environnement socioculturel spécifique, dans la « niche » où ils sont nés et où ils ont trouvé leur équilibre, d’accepter leurs vérités, de transformer en « normal » ce qui, chez eux, nous paraît au premier abord « bizarre » et de trouver la rationalité qui se trouve derrière des comportements apparemment « irrationnels », pour aboutir à la conclusion que finalement ils ont raison tout comme nous avons raison. Le deuxième changement de perspective concerne nos propres vérités et nous aide à créer chez nous une sorte de relativisme culturel (Abdallah-Pretceille, 1996 : 203), termes désignant la distanciation par rapport à soi-même. « Il s’agit cette fois de porter un « regard extérieur » sur notre monde pour mieux comprendre que notre façon de voir notre monde n’est pas universellement partagée et que d’autres peuvent avoir à notre égard des opinions que nous appellerions des préjugés. La distance par rapport à nous-mêmes nous apporte un autre point de vue sur nous-mêmes » (Neuner, 2003 : 53). Nous voyons que cette gymnastique interculturelle consiste à comprendre l’autre et soi-même. C’est seulement sur cette base de compréhension que nous pourrons faire preuve d’empathie à l’égard des autres et que se construira la dynamique de confiance mutuelle indispensable à toute coopération entre ressortissants de cultures différentes. La troisième différence concerne la relation entre le coach et le coaché. Dans une formation traditionnelle, il s’agit d’une relation semblable à celle entre le professeur et ses étudiants impliquant la hiérarchie, alors que dans le coaching, la relation d’égalité constitue une condition préalable à la réussite : il s’agit d’une relation d’égal à égal. Le coach qui mène l’entretien, a la responsabilité de la synchronisation consistant à s’intéresser d’abord à la personne de son interlocuteur et à l’accueillir. Il doit y mettre toute son attention, sa présence, son cœur.
Conclusion Le développement d’une entreprise au-delà des frontières de son pays implique nécessairement l’expatriation qui est un défi non seulement économique, mais aussi et surtout culturel et humain, car l’expatriation est une expérience déstabilisante au plan existentiel et peut transformer en profondeur l’expatrié qui aura à surmonter les chocs culturels. Le coaching interculturel qui est centré sur la personne pourra dans ce cas être très utile pour l’expatrié. Il pourra l’aider à retracer son chemin dans un environnement turbulent, à surmonter des difficultés de transition dues aux mutations professionnelles, familiales et surtout psychologiques, à libérer son potentiel en réconciliant l’émotionnel et le rationnel et à transformer des différences culturelles en un enrichissement à la fois personnel et professionnel. Le coaching interculturel, encore peu connu en Chine, jouera son rôle dans la formation des expatriés étrangers en Chine et dans le suivi des Chinois qui travaillent à l’étranger. Présentation de l’atelier
En prenant en considération l’évolution du monde occidental et le status quo de la Chine, cet atelier traite essentiellement de l’évolution des modes de vie et de consommation. Liste des thèmes en discussion Liste des thèmes en discussion
Les nouveaux modes de consommation en Chine où une société de consommation se développe
La Chine est confrontée à des problèmes que les pays occidentaux ont connus dans leur développement. Comment ces problèmes se manifestent ? Et quelles influences vont-ils exercer ?
La question des modes de vie et des habitudes de consommation ne se limite plus aux frontières nationales, mais devient une question de marché mondial. Dans ce contexte, comment promouvoir la coopération et la coordination entre les pays ? Et comment mieux construire le marché mondial ?
Que reste à faire pour que les nations suivent l’évolution du marché sans perdre leurs traditions ? Qui sommes-nous ?
Qui sommes-nous ?
Cheville ouvrière chinoise : Yangxiaomin, qiqiloulou (at) 163.com
Cheville ouvrière européenne : Dominique Desjeux, d.desjeux (at) argonautes.fr