Présentation de l’atelier
Mondialisation et identification : le paradoxe du nationalisme chinois
En adoptant une approche distinguant les grandes périodes historiques, on peut diviser le nationalisme en deux grandes catégories : le nationalisme de l’époque coloniale et le nationalisme post-colonial. Le nationalisme des peuples colonisés n’a généralement pas pour seule vocation d’établir la légitimité d’un État-nation, il est aussi un combat pour la libération individuelle. Le nationalisme peut également être identifié selon deux tendances opposées par leur nature : l’un, plutôt ouvert et politique, l’autre, fermé et ethnique. Les nationalismes en France et en Allemagne apparus après la Révolution françaises correspondent respectivement à ces deux tendances.
Bien sûr, il y a déjà bien longtemps que la Chine s’est libérée du colonialisme ou du semi-colonialisme, mais le nationalisme d’aujourd’hui s’alimente encore dans les humiliations historiques de l’époque moderne. Il est évident que le nationalisme chinois ne peut pas être affilié facilement à l’une ou l’autre des tendances susmentionnées. En revanche, peut-on dire que le nationalisme récent relève davantage d’un désir de vengeance et d’exclusion ? Les années 90 ont marqué un retour en force du nationalisme. A cette époque, sont apparues, en Chine, différentes variétés de nationalismes : le nationalisme comme stratégie, le nationalisme comme idéologie de rechange, le nationalisme moral, le nationalisme anti-occidental etc. Depuis le tournant du siècle, la Chine a accueilli la mondialisation avec enthousiasme et s’est intégrée dans le système mondial. Dans le même temps, la mondialisation a fourni au nationalisme en Chine de quoi se nourrir ainsi qu’un nouvel espace inédit. De l’antiaméricanisme à la phobie anti-française en passant par une haine profonde antijaponaise, du livre intitulé « la Chine peut dire non » à celui, plus récent, « la Chine n’est pas contente », tout porte à dire que chaque nouvelle cible du nationalisme chinois sera bientôt remplacée par une autre. Les jeux olympiques de Pékin de 2008, auraient dû être l’événement symbolisant l’intégration de la Chine au système mondial. Ils n’auront finalement été que l’occasion de la manifestation d’un nationalisme ostentatoire à l’échelle globale.
Dans une Europe qui fut un temps le champ de bataille des nationalismes, l’Union européenne a établi un espace institutionnel rendant possible le dépassement du nationalisme. Pourtant, l’Europe est encore à ce jour le théâtre de multiples formes de nationalismes. La démarche de comparaison et d’analyse des différentes formes du nationalisme en Europe et de ses évolutions en cours peut-elle contribuer à mieux saisir les tendances actuelles du nationalisme chinois ? Comment définir le nationalisme d’une si grande et si vieille civilisation sur le point de revenir au centre du monde ? Comment prévoir les formes que prendra demain le nationalisme chinois ? Sera-t-il un frein ou un catalyseur pour le développement de la société chinoise ? En vertu de l’influence sur le reste du monde de la montée en puissance de la Chine, de l’étendue de son territoire, de son patrimoine culturel, de son orientation politique incertaine et de la transformation rapide de sa société, toutes ces questions concernant le nationalisme devraient être un sujet d’étude majeur pour le monde universitaire mais également un thème de débat public pour l’ensemble de la société.
Dans le prolongement de l’atelier sur le nationalisme tenu en 2007 à Paris, le Forum China-Europa- organise à nouveau une rencontre entre différents participants sur le même thème. Des représentants des équipes européennes et chinoises se réuniront à Hong-Kong pour débattre et échanger sur ce sujet.
Les approches en référence avec l’Europe et l’analyse qui prend en compte l’évolution historique du nationalisme chinois seront les deux points de vue principaux de l’atelier. Intitulé « Mondialisation et identification : le paradoxe du nationalisme chinois », l’atelier aspire à débattre en profondeur des paradoxes et des tensions du nationalisme sous différents aspects : aussi bien l’identité culturelle, les systèmes de valeurs que les aspects politiques, économiques, sociologiques ou géostratégiques. Citons les plus évidents : cosmopolitisme et sino-centrisme, soft power et hard power, politique de puissance et non-ingérence dans les affaires intérieures, système mondial et spécificité nationale, dictature politique et ouverture économique, valeurs et intérêts, identification politique et chocs culturels etc.
Pour faciliter le déroulement de l’atelier, les participants devront choisir au préalable un sujet de réflexion principal pour alimenter le débat, et après l’atelier, procéder à une synthèse écrite de ce qui se sera dégagé des débats.