Présentation de l’atelier
L’histoire humaine s’est construite par la diversité de ses cultures, marquées par les lieux (territoires), les milieux et les époques dans lesquelles elles se sont élaborées, et configurées. La modernité, pour instaurer ses propres valeurs, croyances, ses propres dynamismes et imaginer son destin, a souvent relégué, marginalisé, oublié ou effacé ses cultures locales, qualifiées de cultures traditionnelles, vestiges de sociétés archaïques, disparues ou appelées à disparaître. Au mieux elle les a conservées, en en faisant des objets de musée. Mais il était aussi inévitable que dans une société de marché, elle en fasse des objets de marchandise, notamment dans le contexte des grandes transhumances touristiques de notre temps.
Depuis quelques décennies, variables selon les pays et les régions, une autre vision de ces cultures s’affirme. Soucieuse de protéger celles-ci, elle en fait des inventaires précis et vivants, elle les restaure, elle les valorise, elle les fait largement connaître même souvent avec des moyens dérisoires, si l’on compare ceux-ci aux moyens investis dans des objets culturels actuels. Cette connaissance approfondie de ces cultures associée à leur conservation, ou à leur promotion, a été et est toujours une étape incontournable dans la protection du patrimoine immatériel et matériel qu’elles représentent . Mais aujourd’hui les initiatives prises à travers le monde, et cela de manière très inégale, imaginent de nouvelles relations à ces cultures. Elles font comprendre en effet qu’elles sont un patrimoine indispensable à la vie même, à la refondation des sociétés modernes, non pour ancrer celles-ci dans des nostalgies conservatrices, mais au contraire pour les animer par ce qui a fait leur histoire, pour reconstruire le lien entre le passé, le présent et le futur, lien sans lequel toute société, tout groupe social s’égare et s’asphyxie. Tel paraît être l’enjeu de la prise en compte du patrimoine culturel local dans les mutations profondes que connaissent aujourd’hui nos sociétés contemporaines.
Mais aujourd’hui, nulle société, nul territoire ne peut rester refermé sur lui-même. La culture de l’autre ne peut rester un objet de curiosité, que l’on s’approprie ou que l’on repousse, que l’on domine ou que l’on écarte. La modernité et son aboutissement dans la mondialisation des échanges a réuni les conditions des échanges interculturels, par la formation et l’expansion effrénée de nouvelles cultures qui ne connaissent pas les frontières territoriales, mais aussi par l’essor de nouvelles attitudes attentives aux cultures qui ont fait l’histoire des pays et de leurs territoires locaux. Ces cultures sont généralement qualifiées de cultures locales minoritaires, qu’il faudrait protéger en tant que minorités. Alors qu’elles sont avant tout des cultures singulières au même titre que les cultures transterritoriales, ou mondialisées. La différence c’est que ces dernières sont constituées généralement autour d’objets donnant lieu à des liens limités et séparés entre les humains, même si elles envahissent le monde, alors que les cultures locales fondaient le lien même des sociétés. Il n’y aura pas de retour à l’ancien temps de ces cultures fortement territorialisées, mais celles-ci par ce qu’elles ont élaborées comme constructions humaines, redeviennent aujourd’hui un paramètre indispensable pour reconstituer et faire évoluer les liens entre les humains aussi bien à l’échelle locale, univers de la vie quotidienne en pleine reconfiguration, qu’à l’échelle mondiale, univers de la mobilité, univers d’échanges entre tous les humains de la planète.
La place à redonner au patrimoine des cultures locales n’est pas une petite affaire. Elle constitue manifestement un facteur déterminant de l’histoire contemporaine et à venir, d’une meilleure compréhension entre les hommes, leurs pays, leur histoire, leurs catégories de pensée, leurs modes de vie, leurs métiers, etc.