Patrick Klugman:La position de la Chine est un élément stratégique pour la réussite de la Conférence COP21 à Paris
Patrick Klugman, Maire adjoint de Paris, chargé des relations internationales/Deputy Mayor of Paris, in charge of the foreign affairs
Je représente Anne HIDALGO, Maire de Paris qui ne pouvait pas être avec nous ce matin. Je rentre de la Chine, je m’envole dans quelques jours pour Lima pour la COP 20, et évidemment pour assister à ce passage de flambeau de ville siège et du futur hôte de la ville Paris accueillant la COP21.
Il se passe des choses extrêmement importantes au niveau des Etats et au-delà. Il y a dans le monde des acteurs et des militants sur cette question – une immense perception qui résulte de Copenhague où le pessimisme ambiant sur la capacité des états à atteindre à un objectif commun avait gagné. Les gens n’y croyaient plus, partis de Copenhague très déçus, c’est d’ailleurs de cela que la France a longtemps hésité avant de prendre la responsabilité d’organiser la COP21. Les choses ont complètement changé, d’abord le climat aux sceptiques aujourd’hui est considéré avec force et argument que la terre est menacée. Je crois qu’aujourd’hui la réalité du réchauffement climatique, scientifique, des travaux de GIEC, ne met plus contestable, elle n’est plus contestable dans la communauté scientifique, elle n’est plus contestable pour les chefs de gouvernements, elle n’est plus contestable dans les sociétés civiles, parce que tout simplement, chacun où il se trouve sur le globe, quelle que soit sa position, peut en percevoir les effets, cela est le 1er changement.
Le 2ème changement, ce n’est plus une affaire de spécialistes. La question du climat s’est invitée partout et pour tout le monde. Et j’en viens au rôle que nous la ville de Paris joue dans cette question. Nous pourrions dire que c’est une question entre les Etats, et puis après une semaine, ils vont laisser les sociétés civiles d’en discuter, et puis ils vont s’asseoir à la table pour essayer de trouver un accord. Et bien cela ne passera pas comme ça. Si nous ne prenons pas la parole, si nous n’organisons pas des lieux comme ce forum pour dire ce que les acteurs de la société, ce que l’on appelle ONG, les parties non étatique, ne s’organisent pas pour prendre la parole, alors les décisions même positives qui seront conclues au plus haut niveau, resteront lettre morte. Oui, il est possible à Paris d’atteindre à un accord universel et contraignant pour limiter le réchauffement climatique à 2 dégrées. (…) Nous avons compris que l’agression du climat se joue au plus près du citoyen. Pour mobiliser les citoyens, il faut les acteurs locaux, pour mobiliser les énergies sur cette question, il faut les acteurs locaux. Que là un Etat peut mettre 1 à 5 ans à définir un plan, à trouver du moyen, à créer une agence, à trouver des responsables, mais une ville peut aller très vite pour créer son plan de climat pour faire de l’urbanisme propre dans sa ville, pour créer des réseaux de transport qui sont non polluants.
Et vu de ces questions, la ville de Paris est un champion, parce que les compétences qu’elle a adoptées lui permettent, parce que son territoire est assez homogène, parce qu’il y a une volonté politique forte, il y a cette rencontre exceptionnelle entre la COP21 qui se tiendra à Paris et une ville qui est emblématique qui va rassembler autour d’elle tous les réseaux de villes, tous les réseaux des acteurs non étatiques pour s’inviter dans les négociations qui se tiendront à Bourget /Paris. Parce que les gouvernements locaux peuvent aller plus vite, peuvent aller plus loin, et ne sont pas liés par leur engagement à leur Etat. Deux exemples, les Etats Unis n’ont pas signé le protocole de Kyoto, mais la ville de New York sous Michael Rubens Bloomberg a eu une ambition écologique absolument remarquable ; l’autre exemple évidement c’est Rio qui est une grande ville d’un Etat fort contraint économiquement, qu’il ne voulait pas à ce moment-là de s’engager d’une manière très contraignante dans l’utilisation vertueuse de ressource et de l’énergie fossile. Rio a pris des engagements très forts, est le rassemblant des villes les plus innovantes sur la question du climat.
Donc on voit bien les gouvernements locaux et les villes ne sont pas liés par leur engagements à leurs Etats. Et là où cela devient extrêmement intéressant avec la Chine, j’en finirai par-là, c’est la question climatique en Chine est devenue politique. Que les Chinois dans les plus grandes villes urbaines, notamment à Shanghai et à Beijing, sont affectés par la pollution, ne peuvent vivre tranquillement par les faits de la chaleur, des pollutions, cela devient un sujet de santé publique, un immense sujet pour la société. (…) Dès lors ce n’est plus simplement un sujet de discussion entre les Etats, mais un sujet politique, de santé publique, d’attractivité. C’est pour cette raison –là que tout peut changer à Paris, et qu’en Chine on voit se mobiliser tous types d’acteurs de la même manière que nous faisons ici partout en Europe et partout dans le monde. C’est justement pour pousser les autorités qu’ils ont des contraintes que nous connaissons bien, à être extrêmement ambitieuses.
Et la question de la réussite de la Conférence à Paris est simple, soit la Chine voudra l’accord, ce sera une réussite, soit elle n’en voudra pas, ce sera un échec. La question de la position de la Chine est donc un élément stratégique. Si la Chine décide de basculer d’un côté de rejoindre ce contrainte de limite du développement économique, alors la question du climat ne se pose jamais pareil, les Etats-Unis ne pourront pas rester de pareil, et il n’y a pas un seul pays au monde qui pourra se permettre d’être en dehors de ça. La position chinoise est en train d’évoluer par les faits concrets, directs et immédiats que subit la population, de la pollution de l’air.
Donc nous sommes en train de vivre un moment historique, et nous, gouvernements locaux, nous les villes, nous n’avons pas ces relations de compétition que peuvent se livrer les Etats. Les villes coopèrent, les échanges que nous pouvons avoir au sein de la société civile sont extrêmement purs qui permettent d’atteindre les consensus à chacun de faire pression sur son Etat ou sur son gouvernement. C’est pour cela la société civile doit agir d’une manière unie, nous devons réaliser que nous n’avons pas les raisons d’Etat, mais nous avons simplement la raison d’être à la hauteur des enjeux, nous avons simplement l’obligation de comprendre le moment historique dans lequel nous nous situons. Et nous, ville de Paris, notre seule obligation, c’est d’accueillir les villes et les gouvernements locaux du monde entier. Tous les réseaux d’acteurs non internationaux seront bienvenus à Paris. Ils auront sur le territoire Parisien de l’espace de s’exprimer, le lieu d’exposition pour les entreprises pour montrer leurs bonnes pratiques, quelle que soit leur nationalité, ou l’origine des équipes qui animent les projets.
Je crois que c’est en étant à la hauteur de ces enjeux, de ce moment historique que nous allons vivre dans un an. L’Etat français est déjà très volontaire, l’Etat chinois regarde avec attention tout ce qui s’est fait partout dans le monde, et ce Forum doit y participer, créer les conditions inéluctables de l’accord de Paris que nous attendons tous.
(D’après enregistrement)
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