Corine Lepage:“ Il n’y a pas de plan B, parce qu’il n’y a pas de planète B “
Corine Lepage, ancienne ministre de l’environnement, France, députée européenne/Member of the European Parliament, former French Minister of Environment
Merci de m’avoir permis d’être parmi vous ce matin à ce Forum que je pense particulièrement intéressant et important. Les orateurs précédés de cette tribune ont rappelé que les rapprochements pourraient être faits entre nos deux vieilles civilisations. Le fait que nous soyons tous les deux les anciennes civilisations, aujourd’hui nous confrontons tous au même problème que Monsieur Pan Ki Moon a parfaitement résumé en disant ‘il n’y a pas de plan B, parce qu’il n’y a pas de planète B’.
Nous sommes tous confrontés au même problème. Que celui d’un dérèglement climatique qui à terme peut tout à fait mettre en cause d’abord les conditions de vie sur cette planète, voire à terme si nous ne trouvons pas de solution, la survie même de l’humanité.
Trouver des solutions, Noël Mamère a rappelé tout à l’heure que nous ne pouvons pas continuer à nous caricaturer des mots. En tant que députée européenne, j’ai eu la chance de voir participer aux 5 conventions de climat qui se déroulaient entre 2009 et 2013, c’est-à-dire entre celle de Copenhague avec l’échec que nous connaissons et la dernière était à Varsovie, et ce n’est pas un grand succès, c’est la moindre chose que l’on puisse dire.
De COP en COP, les décisions ne sont pas réellement prises, un minimum effet pour permettre la COP suivante. Mais dans la réalité, les décisions les plus importantes ne sont pas prises, tout simplement parce que les pressions de ceux qui appartiennent à ce que j’appellerai l’ancien monde sont trop importantes par rapport aux efforts de ceux qui font auxquels nous appartenons qui sont les gens du nouveau monde. Ceux qui ont compris que nous sommes engagés dans un changement complet de modèle, et sur ce point, la Chine et l’Europe, et au sein de l’Europe – la France, ont absolument un rôle majeur à jouer. Il existe au sein de tous les pays du monde, y compris ceux qui sont plus climato sceptiques ou les plus réticents, à entrer dans la voie de véritable politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation au changement climatique, car désormais il faut lier en permanence les deux. Et bien même dans ces pays-là, il y ait des gens, des ONGs, des entreprises qui sont tous convaincus de ce d’où nous sommes ici convaincus que la question climatique au sens le plus large du thème, est le défi majeur que nos sociétés ont à affronter.
J’ai passé une huitaine de jours aux Etats-Unis et au Canada très récemment, et rencontré des Américains et des Canadiens qui défendent la lutte contre le changement climatique dans un pays où les climato sceptiques sont extrêmement puissants. Et bien je pense que c’est précisément en organisant ces efforts de la société civile du monde entier qui a parfaitement pris conscience des nécessités dans lesquelles nous nous trouvons et qui avant tout préoccupée par son avenir et par celui de ses enfants. C’est à cette société civile mondiale et planétaire aujourd’hui qu’il faut absolument s’adresser et qu’il faut absolument réunir.
Et ce forum est une excellente base de départ pour travailler dans cette direction. La Chine est un immense pays, c’est aujourd’hui l’un des deux plus grands pays sur le plan économique. Son développement économique absolument extraordinaire, a évidemment des contreparties qui sont lourdes en matière de pollution et c’est la raison pour laquelle dans bien des domaines la Chine est aujourd’hui innovatrice. Nous, en Europe, nous sommes de vieux pays, comme les Américains parlent de nous en disant la vieille Europe, sauf qu’aux Etats-Unis les plus progressistes considèrent que c’est nous qui sommes en avant, et eux ils sont en retards. Ça aussi il faut que nous l’ayons présenté à l’esprit. Et bien nous devons absolument trouver les moyens de ces nouvelles solutions, nouvelles synthèses qui ne sont pas seulement du côté de technologie, c’est la technologie, mais ce n’est pas seulement la technologie. C’est un nouvel art de vivre, c’est une nouvelle manière de vivre ensemble, c’est une nouvelle manière d’avoir de comportements qui sont beaucoup plus dotés de sens d’abord, car la consommation pour la consommation ça n’a strictement aucun sens dès lors que les besoins de vie sont satisfaits. Mais également qui se fait dans une perspective qui est celle précisément de cette transformation du monde.
J’en viens à ma conclusion. Il y a aujourd’hui plusieurs manières de voir les sujets. Mais je souhaiterais (c’est quelques choses totalement impossible) de pouvoir revenir dans 300-400 ans et voir comment l’histoire aura jugé notre période. Savoir si ce que nous vivons quelque chose qui ressemble pour le monde occidental du passage du moyen Age à la renaissance, ou si ce que nous vivons c’est quelque chose de beaucoup plus importante qui, à l’aune de l’histoire de la planète s’approcherait d’un changement d’ère. C’est ce que l’on appelle aujourd’hui l’anthropocène. Très franchement, je ne sais pas, dans quelle atmosphère nous nous trouverons. En revanche, je suis convaincue que nous sommes dans un changement de monde, on peut considérer que c’est une fatalité, mais il faut être optimiste et considérer que c’est une chance - celle d’aller vers une société meilleure qui sera conciliée l’avenir de nos enfants et celui de notre planète.
(D’après enregistrement)
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