Georges Berthoin:L’étape que nous vivons ici, représente une contribution originale de la société civile de la Chine et de l’Europe
Georges Berthoin, ancien chef de cabinet de Jean Monnet, président de la Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (1952-1955) / One of the founding fathers of the European Union, Co-founder of the China Europa Forum (CEF), former Chief-of-staff of Jean Monnet, Honorary President of the European Movement International, Honorary President of the Trilétérale Commission
La rencontre d’aujourd’hui constitue une étape importante dans la longue marche qui doit nous conduire, dans un an, à la Conférence mondiale sur le réchauffement climatique. Ce sera la 21ème.
L’alerte, lancée pour la première fois en 1896 par le savant suédois Arrhenius, avait été oubliée. Puis, voici quelques décennies, nos autorités politiques ont été amenées, sous la pression des foules et des faits, à discuter du bienfondé de ce nouveau défi et des actions nécessaires pour le surmonter.
Des obstacles devaient être franchis pour pouvoir élaborer et respecter, à l’échelle nationale et mondiale, les nécessaires disciplines communes :
Les différents niveaux et rythmes de développement créaient des situations contrastées qu’il fallait traiter avec réalisme et équité.
La question majeure de la souveraineté nationale et le rejet de l’ingérence extérieure soulevaient un problème politique grave et fondamental.
L’action écologique, qui appartient à tout le monde, s’était affaiblie en se diluant dans les catégories et expressions politiques traditionnelles.
La communauté scientifique était divisée sur l’évaluation des dangers.
Pendant ce temps, les dérèglements climatiques ont continué à progresser. Le résultat est que nous sommes confrontés, aujourd’hui, à une situation dont il devient de moins en moins possible de nier la réalité et les dangers.
Il n’est cependant jamais trop tard, mais la procrastination politique, si caractéristique des générations qui ont été aux affaires depuis cinquante ans, rend plus lourdes les décisions à prendre. Nous sommes désormais devant une urgence dramatique et une exigence de fond et de calendrier. Les États membres de l’ONU devront donc parvenir, au-delà des mots vertueux, à des mesures concrètes et durables et ceci, sans délai.
Les Etats Unis et la Chine, premiers émetteurs de gaz à effet de serre dans le monde, viennent de signer un accord historique qui illustre un immense changement de perception. Mais, il leur faudra accepter d’insérer leur accord bilatéral dans les décisions et le calendrier qui devront conclure la conférence multilatérale de l’année prochaine.
L’étape que nous allons vivre, ici, représente une contribution originale de la société civile de la Chine et de l’Europe. Elle est importante pour plusieurs raisons essentielles car, en tous ses éléments, elle représente l’avant garde, la préfiguration du monde demain.
Tout d’abord, elle résulte de la mobilisation et du travail des citoyens. A ce titre, nos Sociétés civiles annoncent et favorisent les changements de système, l’invention des formes nouvelles de gouvernance, la transformation de la source de toutes les légitimités futures quels que soit les canaux par lesquels celles-ci s’expriment.
Ensuite, Chinois et Européens, nous appartenons à deux vieilles et puissantes civilisations qui vivent, sous l’effet de l’abolition scientifique du temps, de l’espace et des divisions séculaires de la planète, des transformations fondamentales et révolutionnaires sans précédent dans nos histoires, nos traditions, notre psychologie.
Nos succès respectifs dans l’organisation des rapports entre nous et avec les grands acteurs mondiaux, établis et émergeants, joueront le rôle central dans la réponse de l’humanité à tous les défis des temps nouveaux. Cela dépendra de la manière dont nous répondrons à celui du dérèglement climatique. Il faut que nous en soyons conscients. Notre responsabilité est claire, car la réponse se trouve maintenant à portée de main.
Nos rencontres créent déjà un double effet :
. Nous sommes unis, bien plus que nous le pensons subjectivement, par le même défi à l’environnement dont nous partageons objectivement la reconnaissance.
. Nous sommes en harmonie dans la recherche de solutions, qui, pour être efficaces et justes, ne peuvent qu’être communes.
Ainsi nous découvrons et vivons des solidarités que nos différences n‘auraient peut-être pas permises dans le passé.
De telles solidarités deviennent des instruments de paix et de progrès dans un monde où apparait le dérèglement du climat mais aussi celui des situations, des actions et des esprits. Nous voyons avec évidence croitre le danger des dérapages politiques voire militaires mondiaux, comme il y a cent ans.
La pratique et le raisonnable attrait de ces solidarités contemporaines renforceront la logique de paix qui reste la condition fondamentale de la réussite de toutes les actions auxquelles, les uns et les autres, nous consacrons nos efforts.
L’Union Européenne, au-delà des controverses naturelles dans toute œuvre humaine, a, dès lors, une contribution spécifique à faire. En effet, les Pères Fondateurs de notre Communauté Européenne avaient pour finalité, grâce aux institutions sans précédent qu’ils ont créées, une logique de paix qui libérerait notre continent de ses malédictions historiques et contribuerait ainsi aux efforts des peuples qui, dans le monde, entreprennent leur mutation existentielle. La 21ème conférence devrait s’en inspirer pour rendre ses décisions pérennes.
Je me permets donc de souhaiter que la manière d’aborder, dans toute son amplitude, nos travaux communs, ici, à Lima et de nouveau à Paris, donne à notre longue marche, l’efficacité, la légitimité et la dimension humaine qui permettront de faire triompher la vie sur la mort.
Ainsi nous démontrerons combien l’écologie devient, après des siècles de destructions, l’acte fondateur du monde qui commence.
(D’après enregistrement)
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