Noël Mamère:Derrière le bouleversement climatique, se profilent des bouleversements écologiques, économiques, sociaux et géopolitiques
Noël Mamère, Député écologiste de Gironde et maire de Bègles Deputy of Gironde and mayor of Begles
Je commence mon intervention par le sujet de l’écologie qui est sans doute la seule idée subversive du 21ème siècle.
Lorsque l’on regarde ce que l’écologie réclame comme changement de mode de production, de mode de vie, de mode de développement, nous voyons bien que nous sommes face à une mutation de notre monde qui ne peut se passer que de manière démocratique. En tout cas je suis de ceux qui le pensent et qui se battront pour que cela se passe de cette manière.
Le réchauffement climatique, ou plutôt le bouleversement climatique c’est aussi une manière de baromètre aujourd’hui de notre monde. Et derrière le bouleversement climatique, se profilent des bouleversements écologiques, économiques, sociaux, géopolitiques, déjà sans que nous le sachions, la plupart des réfugiés sont aujourd’hui des réfugiés climatiques que de réfugiés liés aux conflits. Les statistiques sont nettes, 3 fois plus de réfugiés climatiques que des réfugiés liés aux conflits. Ce qui signifie donc que nous allons être confrontés à des mouvements de populations que certains pays auront des difficultés à digérer d’une certaine manière. Nous voyons bien ce qui se passe, pour ceux qui sont aujourd’hui chassés de chez eux à la fois par le réchauffement climatique, mais par l’accumulation de conséquences du bouleversement climatique, je pense en particulier aux conditions sociales et économiques.
Puisqu’il s’agit d’un Forum Chine Europe, que fait l’Europe ? Que fait l’Europe pour essayer de prouver un minimum de solidarité vis-à-vis de ceux qui sont victimes de ce que j’appellerai la double peine. Puisque l’on constate en effet, dans les pays pauvres comme dans les pays riches, que ce sont les victimes d’injustice sociale qui sont les premières victimes d’injustice environnementale. Et si les pays que nous sommes, le France 5ème pays du monde, doivent quelques choses à ce que nous avons colonisé, à ceux dont nous avons exploités en matières premières, et nous continuons de le faire, c’est ce que j’appelle la dette écologique. Et la dette écologique elle passe par un minimum de solidarité. Comme par exemple dans la perspective de la Conférence de Paris, faire prendre l’engagement au président de la République française, qui consiste de ne pas se coopter de mots, et simplement de prendre l’engagement de dire que l’on ne va pas financer l’ouverture de mine de charbon dans un certain nombre de pays émergents, mais qu’on va les aider à rechercher l’efficacité énergétique, les économies d’énergie, mais d’une manière compatible avec le niveau de vie de ces pays. Donc nous sommes effectivement aujourd’hui dans une perspective où il faut en mettre en œuvre ce très beau slogan écologiste qui consiste à dire que nous n’avons qu’un seul monde, oui, nous sommes pour la mondialisation, mais pas celle aujourd’hui qu’elle veut nous imposer un libéralisme totalement en débridé. La mondialisation, ce n’est pas simplement la mondialisation des échanges, mais c’est aussi les échanges de savoirs, c’est aussi évidemment la solidarité, c’est aussi de la part des pays comme les nôtre qui ont pillé beaucoup d’autres pays, et bien c’est avoir un minimum de respect vis-à-vis d’eux, et de faire des efforts pour les aider à ne pas passer par les même erreurs que nous avons commises.
On a présenté et on présente aujourd’hui l’accord passé entre la Chine et les Etats-Unis comme historique. Je pense qu’il faut apporter quelques nuances à cet accord qui nous fait bien plaisir un petit peu comme si nous étions des autruches en nous disant c’est bien c’est formidable, cet accord qu’on va le qualifier comme historique, parce qu’il va nous permettre de réussir la COP 21. Si vous lisez le Monde daté aujourd’hui, le spécialiste climatique et d’environnement, chroniquor Stéphane Foucart constate que les experts du climat sont plus que dubitatifs sur le caractère historique de cet accord. Parce que je me trouve devant vous – responsables d’ONGs, militants pour la lutte contre le réchauffement climatique dans un pays qui est aujourd’hui un des principaux producteurs de gaz à effet de serre, je pense que nous avons une obligation de vous aider à faire en sorte que ce que vous réclamez, en sorte que votre pays saurait d’une manière décisive vers une lutte beaucoup plus contraignante contre le réchauffement climatique, et d’ailleurs, ce n’est pas moi de vous apprendre, vous voyez bien que la pollution en Chine est devenue non pas seulement un problème d’environnement, non simplement du problème de santé, c’est devenu un problème politique et sociale. Quand on regarde la manière dont le peuple chinois est accablé par cette pollution, tout cela risque d’entraîner des révoltes, des soulèvements, c’est la raison pour laquelle comme nous le prenons ici dans les pays développés, c’est par la base que les choses se feront.
Donc la question de réchauffement climatique est une question politique, puisqu’elle interroge le système politique, elle interroge les liens entre le système politique et le système financier, y compris les liens basés sur la corruption.
En ce moment même à Lima où a lieu la Conférence qui doit préparer celle de Paris 2015, mais quel est le problème d’aujourd’hui, de l’Afrique, de l’Amérique latine ? C’est le problème dit de l’extractivité. Qu’est-ce qui se passe en ce moment à Lima ? À Pérou ? Le Pérou vient de baisser ses normes environnementales pour permettre les multinationales d’exploiter des mines et des minarets qui contribuent à alimenter et à construire nos ordinateurs, nos téléphones. Oui, la question du réchauffement climatique est politique, oui, il est important que l’Europe se dote des moyens financiers et surtout institutionnels pour jouer un rôle important. J’aperçois dans la salle mon amie Mme Corine Lepage qui est tout comme les écologistes fait partie de ceux qui défend une Europe fédérale, une Europe qui dépasse la souveraineté de nations, qui s’impose à nos égoïsmes.
Nous ne lutterons pas contre le réchauffement climatique, nous ne lutterons pas contre le bouleversement lié au dérèglement climatique si nous ne sommes pas capable de nous doter des moyens d’une Europe fédérale qui puisse effectivement jouer un rôle au-delà des égoïsmes. C’est la raison pour laquelle je pense que la réunion d’aujourd’hui est importante, mais elle est surtout importante pour aider et aider encore ceux qui sont en Chine se battre pour lutter contre le réchauffement climatique et se battre pour la démocratie.
(D’après enregistrement)
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