« Urban Chat Room »- Des expériences venues d’Europe
« Urban Chat Room » - Des expériences venues d’Europe (version courte)
Date:31 Mars 2013
Lieu : Centre International de Convention du Lac Malaren
Hôte:YANG Yanqing
Invités:
Pedro Ballesteros, Chargé de Relations Internationales, DG Energie, Commission Européenne
Pierre Calame, Président, Fondation du Forum Chine-Europe, Président de la Fondation Charles Léopold Mayer Pour le Progrès de l’Homme (FPH)
Maurizio Mauriani, Président du Consortium Risteco, Président Directeur-Général de Sotral Spa, Vice-président de l’Association Italienne pour la Compétitivité Environnementale des Entreprises.
Marc Glaudemans, Professeur de Stratégies Urbaines, Architecture et Urbanisme, Laboratoire Européen de Design Urbain, Tilburg, Pays-Bas.
Le 31 mars 2013, Mme Yang Yangqing, journaliste de “Urban Chat Room” a convié quatre invités européens à discuter des questions relatives à la coopération Chine-UE sur l’urbanisation, des problèmes rencontrés par la Chine en matière d’urbanisation et des moyens de partager les expériences européennes en la matière. D’autres thèmes ont également été évoqués comme la crise actuelle, la compétitivité, la sécurité alimentaire, l’innovation et la philosophie.
YANG Yanqing:Dans le contexte actuel de transformation urbaine, que peut apprendre la Chine des expériences des villes européennes, et comment ? Afin de traiter ce sujet, nous avons convié quatre invités venus d’Europe pour qu’ils partagent leurs points de vue avec nous. (…) Il me semble qu’aujourd’hui la Chine fait face à 5 défis : le premier, celui de la transition économique dans le contexte de l’urbanisation ; le second, l’arrivée de nouveaux immigrants dans les villes, comment aider cette nouvelle population venue des zones rurales à bénéficier d’une vie meilleure ? Le troisième défi concerne la croissance économique chinoise, génératrice d’un grand volume d’émissions de carbone, comment passer d’un modèle à hautes émissions de carbone à un modèle à faibles émissions de carbone ? Le quatrième défi est le vieillissement de la population, et le dernier s’avère être le fait que la cyber-société chinoise n’a pas un rôle assez important. J’invite tout d’abord M.Ballesteros à donner une brève réponse à ces 5 défis.
Pedro Ballesteros:La véritable transition économique à laquelle vous faites face est celle d’un pays qui est actuellement conçu selon les besoins des autres pays. Votre pays a été conçu comme voué à produire de nombreuses choses de façon compétitive et à les vendre sur le marché mondial. Vous, et votre gouvernement pouvez retirer beaucoup d’argent de cette situation mais elle a un prix, un prix qui n’est pas économique, un prix que vous payez en matière d’environnement, de problèmes sociaux etc. Dans le fond, vous ne concevez pas votre propre pays en ayant votre propre peuple en tête, vous ne créez pas ce que vous désirez pour vous-même, vous créez quelque-chose qui se doit d’être compétitif. Par définition, le fait d’être compétitif n’est qu’une période de transition durant laquelle vous êtes soit gagnant soit perdant. Et par définition, être compétitif signifie être bon marché, moins cher que les autres. Peut-être que votre nouveau modèle économique sera un modèle dans lequel vous pensez “Je suis chinois, j’aime mon pays, je veux concevoir mon pays avec amour, avec notre futur à l’esprit, je veux savoir comment créer une économie qui servirait la Chine”.
En suivant ce principe vous pouvez créer un grand nombre d’opportunités économiques. La partie la plus difficile sera peut-être la transition d’une économie à fortes émissions de carbone à une économie à faibles émissions de carbone. Vous êtes dans un modèle à fortes émissions de carbone car vous disposez de beaucoup de charbon, qui est très bon marché mais mauvais pour la santé et beaucoup de gens en pâtissent, mais c’est très compétitif. Une fois que vous aurez votre pays et votre peuple dans l’esprit et dans le cœur, une fois que vous vous direz “Je ne veux pas extraire du charbon pour produire des choses mauvaises pour la santé, je veux voir ce que je peux réaliser en Chine avec mes propres ressources et en retour obtenir un pays bien plus propre”, alors vous serez sur la voie d’un modèle faible en émissions de carbone. Dès que vous penserez moins au fait d’être compétitif alors vous pourrez utiliser de nombreuses ressources renouvelables. Mais pas comme cela a été le cas jusqu’à présent pas en considérant ces ressources renouvelables comme un secteur industriel de plus dans lequel vous produisez beaucoup afin de vendre au monde entier à l’exception de la Chine. Une fois de plus, vous devriez penser à votre pays, et non pas à être compétitif, penser à votre peuple plutôt qu’à l’argent, de cette façon, vous pourrez trouver des solutions.
Et c’est encore plus important lorsque vous aurez, comme nous en Europe, une population vieillissante. Vous êtes encore jeunes et forts, mais vous verrez, d’ici 30 à 40 ans quand vous deviendrez plus âgés vous serez également moins compétitifs. Vous rechercherez davantage la qualité que la quantité et vous aurez beaucoup plus d’intérêts pour un modèle de société moins basé sur la compétitivité et davantage fondé sur les valeurs et l’amour.
YANG Yanqing : Vous êtes originaire d’Espagne, il serait intéressant pour nous de connaître la façon dont vous abordez les expériences ou encore les leçons venues d’Europe Occidentale afin de raviver la compétitivité. Comment se perd et comment se gagne la compétitivité ? Je vous prie de m’excuser si cette question est un peu difficile pour vous compte tenu de la situation économique dans votre pays.
Pedro Ballesteros : Aujourd’hui l’Espagne redevient compétitive. Mais je n’aime pas le fait que mon pays soit compétitif parce que cela signifie que de nombreuses usines en Chine ferment leurs portes et délocalisent en Espagne, parce que les salaires sont de nouveau très bas en Espagne et que certains droits sociaux sont perdus. Je ne veux pas que mon pays soit compétitif, parce qu’alors les gens ne sont pas heureux, qu’ils vont souffrir de nouveau, et que beaucoup de mauvaises choses vont survenir de nouveau.
YANG Yanqing : Qu’en est-il du long terme ?
Pedro Ballesteros : Dans le long-terme la seule chose dont vous pouvez être sûr c’est que votre propre vie se trouve dans vos propres capacités, votre propre satisfaction, dans la qualité du réseau que vous avez créé de vous-même et dans la stabilité et la crédibilité des systèmes qui contrôlent tout cela. Ni la compétitivité ni l’économie ne sont concernées. Vos seuls besoins sont la nourriture dont vous disposez, le reste ce ne sont que des choses inventées, vous pouvez être heureux sans elles. De nombreuses sociétés peuvent être très riches sans pour autant entrer dans tant de compétitivités. Si elles se concentrent davantage sur elles-mêmes sans se soucier des autres, et beaucoup le font, alors elles créent des emplois, et beaucoup d’activités.
YANG Yanqing:En effet je pense que c’est une bonne solution. Vous avez également évoqué la façon dont la jeune génération envisage cette situation très difficile. On sait que le taux d’emploi pour les jeunes en Espagne est seulement de 50%, ce qui signifie que la moitié de ces jeunes ne trouvent pas de travail. Que pensent-ils de la situation ?
Pedro Ballesteros : C’est une période terrible pour eux, parce que nous sommes dans un système véritablement fondé sur la compétitivité. Et ce système ne fonctionne pas, mais cette situation peut se passer en Chine, cela peut se produire à n’importe où. Et je vous dis ça honnêtement, à cœur ouvert : cela doit cesser, ce système de compétition entre les entreprises n’engendre que la honte partout dans le monde et ce depuis plus de 70 ans maintenant. Très peu de gens tirent profit de cette situation, et si rien ne change, d’ici deux ans certains hommes politiques de mon pays diront “Vous voyez ! J’avais raison ; maintenant les gens travaillent et nous sommes un pays compétitif”. Alors, le peu de chose qui nous différenciait des animaux n’existera plus, lorsque nous sommes compétitifs, nous sommes des animaux, nous nous battons les uns contre les autres. Au contraire, lorsque nous ne sommes pas en compétition, lorsque nous coopérons les uns avec les autres, alors nous sommes des êtres humains, nous sommes dans une autre dimension, nous sommes en harmonie, nous recherchons la paix, nos valeurs, nous évoluons. Je ne dis pas que nous avons atteint ce niveau en Europe, et d’ailleurs ce n’est pas le cas, j’aimerais seulement voir cette situation se développer en Chine et en Europe.
Maurizio Mariani:Je partage entièrement l’opinion de Pedro Ballesteros, cependant, j’ajouterais que nous avons réellement besoin de changer ce paradigme économique fondé sur la compétitivité et l’extrême financiarisation de l’économie. Nous devons peut-être repenser notre modèle commercial, le modèle que nous observons pour faire des affaires, et penser à nouveau à la main d’œuvre et au bonheur des gens. Effectivement, il est correct de dire que ce n’est pas le cas en Europe, c’est un but que nous devons atteindre. Et pour atteindre un tel but nous devons partager et coopérer avec d’autres pays comme la Chine par exemple. D’un autre côté, et vu que l’agroalimentaire et les chaînes d’approvisionnement et de transformation agroalimentaires sont mon domaine, je dirais que vous avez peut-être quelque-chose à apprendre de l’expérience européenne et de celle d’autres vieux pays occidentaux comme les Etats-Unis. Nous gaspillons énormément de nourriture, en Europe nous produisons 900kg de nourriture par habitants, mais nous ne serons jamais capables d’en manger 900kg par habitants. Nous gaspillons bien la moitié de la production à cause de notre modèle de consommation qui est complètement fou. Nous avons le même problème dans les pays qui ne sont pas encore développés où la majeur partie de la production alimentaire est perdue à cause du manque de technologie. On dit souvent qu’en tant qu’Européens ou Italiens, nous devons exporter moins de produits, mais plus d’idées, davantage de savoir-faire et que nous devons échanger avec nos pays voisins ou d’autres pays comme la Chine. C’est une façon de créer une économie locale, de donner de la valeur aux idées humaines et de rendre son statut à l’Homme.
Il y a d’autres paradoxes dans notre système alimentaire comme par exemple le fait que non seulement nous gaspillions énormément de nourriture mais que nous ayons également un sérieux problème, qui est d’ailleurs l’un des défis majeurs pour des raisons médicales à la fois en Europe et aux Etats-Unis, il s’agit de l’obésité. Aujourd’hui 25% des enfants européens sont exposés au risque d’obésité et 15% sont déjà obèses. Cela représente environ 7% des dépenses totales du secteur santé. Nous devons trouver un nouvel équilibre entre la véritable économie, la main d’œuvre et le travail, l’environnement et l’intégration sociale. Cela constitue, je pense, une bonne recette pour construire notre avenir.
YANG Yanqing:Mais comment faire ?
Maurizio Mariani : J’ai pris part à de nombreux dialogues, à de nombreuses conférences depuis 2007, que ce soit ici en Chine ou avec des Chinois en Europe, et je peux dire que, en ce qui concerne le système alimentaire, vous n’avez rien à apprendre de nous. Préservez vos traditions. Vous avez, par exemple, un modèle différent de consommation de protéines. En Europe, nous mangeons beaucoup de viande, d’ailleurs notre système alimentaire est basé sur les protéines animales, en Chine, il est bien plus basé sur les protéines végétales. C’est bien mieux pour votre santé et pour l’environnement. Et cela devrait faire partie d’une économie à faibles émissions de carbone.
YANG Yanqing:Intéressant, et êtes-vous végétarien ?
Maurizio Mariani : Non, je mange parfois de la viande, mais je suis totalement en dehors des statistiques considérant qu’un Européen consomme 45kg de viande par an, un Américain 60kg et que moi je dois arriver aux alentours de 20 ou 25 kg. Ce dont nous avons besoin en Europe, mais pas ici, en Chine, c’est d’un changement culturel de la part des gens, nous avons besoin de changer notre modèle alimentaire, notre façon de manger parce que des tonnes d’eau et d’énergie sont nécessaires pour produire de la viande. Il existe des preuves scientifiques, l’Organisation Mondiale de la Santé a déclaré que manger beaucoup de viande est mauvais pour la santé, nous n’avons pas besoin d’en manger autant.
YANG Yanqing:Je pense qu’il est très important pour les personnes vivant dans des pays développés de manger davantage de légumes et moins de viande. Mais en Chine, qui est encore un pays en développement, il y a aujourd’hui des centaines de millions de personnes qui n’ont pas suffisamment à manger que ce soit de la viande ou des produits laitiers. La plus importante préoccupation en Chine maintenant est de savoir “comment manger en toute sécurité”. Nous avons du lait empoisonné, des problèmes avec la viande, des légumes très dangereux et des milliers de porcs morts qui flottent en ce moment sur la rivière Huangpu. C’est un environnement horrible auquel le peuple chinois doit faire face. Alors, quelles expériences pouvez-vous nous donner afin de fournir un système alimentaire de base sûr à la population ?
Maurizio Mariani:Vous avez mentionné le fait que vous avez un problème de sécurité alimentaire et de sûreté alimentaire, ce sont deux choses différentes. En ce qui concerne la sûreté alimentaire, bien-sûr vous vous devez de prévenir la population, vous devez former les agriculteurs, créer des syndicats d’agriculteurs. Voilà peut-être le problème de la Chine aujourd’hui, vous avez trop de petites exploitations fermières et de petites entreprises. Vous avez besoin de les regrouper en coopératives, en consortiums. Cela devrait également être le rôle du gouvernement de fournir une formation et, à travers la coopération internationale, cela devrait être l’un des rôles de l’Europe par exemple. L’Europe doit contribuer à la création de nouvelles infrastructures et de nouvelles technologies afin d’augmenter la sûreté alimentaire. C’est bien-sûr l’un des problèmes les plus importants.
Marc Glaudemans:L’un des termes clé de la conférence est le développement durable, et bien-sûr la définition du développement durable signifie que vous faites tout ce qui est en votre pouvoir pour ne pas imposer ou transférer le prix de votre développement aux générations futures. La vision à long-terme est très importante, et dans le long-terme la Chine deviendra sans nul doute une société âgée, vous devez donc penser maintenant et faire des plans maintenant pour une Chine avec une population relativement âgée. Et cela doit se refléter dans tous les différents aspects. Il est essentiel de penser aux villes actuelles d’Europe dans la perspective d’un société âgée, alors vous réaliserez probablement que ce très large étalement urbain va créer de nombreux problèmes dans le futur. En effet, dans une société âgée, vous préférez avoir des villes compactes dans lesquelles on peut se déplacer à pied, dans lesquelles toutes les commodités et les services se trouvent à proximité immédiate des habitations. Je pense que vous créez beaucoup de vos problèmes futurs maintenant, à cause de l’étalement urbain des villes chinoises.
Une fois de plus, il n’existe pas de modèle universel, Tokyo est une très grande ville mais c’est aussi une villes où il est très agréable de vivre, ce n’est pas une ville encombrée. En général, les villes européennes sont très petites, habituellement vous pouvez marcher d’un endroit à l’autre, et vous pouvez organiser des transports en communs car elles sont très compactes. Ce sont les éléments clés auxquels il est essentiel de penser lors de l’aménagement urbain. Puisque la Chine est maintenant dans une position d’être aménagée de façon véritablement efficace, en raison d’un fort gouvernement, en raison de moteurs économiques encore solides, et parce que vous disposez de suffisamment d’argent pour investir, alors c’est le moment de prendre la bonne décision. Il serait judicieux de faire l’exercice non seulement dans la perspective d’une économie compétitive mais également dans la perspective de fournir des villes où il sera agréable de vivre d’ici 20 ou 30 ans. Cela doit être un système urbain équilibré, et c’est là, je pense, que se trouve le principal défi.
YANG Yanqing:Oui, je suis d’accord avec vous trois, la ville doit offrir de meilleures conditions de vie, mais est-ce que cela doit nécessairement être onéreux ? Comment pouvons nous nous permettre de tels coûts et qui va payer ?
Pedro Ballesteros:Nous avons étés éduqués à considérer l’économie comme la chose la plus importante dans la vie. Mais lorsque que vous considérez votre propre vie, vous vous rendez-compte que ce n’est pas si important. Quand on parle des villes, on parle des infrastructures de base dans lesquelles les être humains vivent pour les 100 prochaines années. Ensuite, si vous disposez de villes où les gens peuvent se rendre les uns chez les autres à pied, où les gens vont faire leurs courses en marchant, où tout est à proximité, tout est agréable, alors par définition c’est infiniment moins cher que quoi que ce soit dont vous avez besoin, une voiture, un bus ou autre. Si votre ville est alimentée en énergie par des énergies renouvelables, alors, à long terme, dans ce cycle de 100 ans qui est le cycle de vie d’une ville, c’est bien meilleur marché que le charbon, le pétrole, le gaz naturel ou quoi que ce soit d’autre que vous utilisiez. Aujourd’hui la Chine se trouve dans un cycle dans lequel il y a de l’argent pour investir, vous devez faire ces investissements maintenant, afin d’économiser de l’argent dans les 100 prochaines années. Par définition, par nature, l’alternative la moins coûteuse est la plus propre, il faut également avoir des villes plus compactes, plus humaines et plus agréables. Alors les gens prendront soin de leur ville, la considèreront comme la leur et cela la rendra aussi moins chère.
YANG Yanqing:Donc c’est de la compétitivité à long-terme ?
Pedro Ballesteros:Non ce n’est pas de la compétitivité, c’est de la qualité de vie, il s’agit juste de sortir certaines choses du marché. Une fois que l’énergie est gratuite, que vous êtes en dehors du marché, vous ne vous souciez plus de la compétitivité, une fois que vous pouvez allez faire vos courses simplement en marchant, vous ne vous souciez plus du prix de gazole.
YANG Yanqing:Est-ce là une sorte de futur communiste ?
Pedro Ballesteros:Prenez le nom que vous voulez, les noms ne sont pas importants, ce qui est important ce sont nos sentiments.
Marc Glaudemans:J’ai peut-être un point de vue légèrement différent sur la compétitivité. Je pense que c’est également le moteur d’une croissance plus personnelle, et c’est aussi, bien évidemment, le moteur qui a créé les villes européennes. Venise ne serait pas Venise sans cette espèce d’esprit d’entreprise pour découvrir le monde, vendre des produits et en acheter d’autres. Et bien-sûr aux Pays-Bas nous sommes traditionnellement des commerçants, c’est ainsi que nous sommes arrivés au Japon et dans d’autres pays. Cela deviendra une part de l’Histoire.
Il est très important que les bénéfices de ce système soient investis pour le bien de la population. Ces investissements à long-terme se rembourseront eux-mêmes après une longue période. Bien-sûr il y a déjà beaucoup d’investissements dans les infrastructures en Chine, ce qui est une bonne chose, parce que toutes ces routes et toutes ces voies ferrées qui relient les villes perdureront. Les Etats-Unis ont investi dans ce domaine au 20ème siècle, mais ils n’ont pas vraiment entretenu leurs réseaux et aujourd’hui ils sont confrontés à un gros problème parce qu’il n’ont pas les fonds nécessaires pour renouveler les infrastructures, et la population en souffre. (…) Donc, il y a beaucoup à gagner dans vos propres traditions à la fois en termes de gouvernance et d’aménagement urbain.
YANG Yanqing:Etes-vous en train d’insinuer ou de laisser entendre que peut-être la Chine devrait passer d’un petit nombre de grandes agglomérations à 20 ou 30 villes moyennes de plus ?’
Marc Glaudemans:Je pense en effet qu’il vaut mieux 20 villes de 1 million d’habitants qu’une ville de 20 millions d’habitants. Comme je l’ai déjà dit, il n’y a pas de modèle universel, mais en général les habitants de villes moyennes ont une très haute qualité de vie, ils passent moins de temps dans la circulation et ont tout de même accès à des infrastructures et des services de qualité. Du point de vue des Néerlandais, cela semble très bien fonctionner, nous n’avons pas de grandes villes, notre système urbain est très équilibré ce qui crée une très haute qualité de vie.
YANG Yanqing : Merci beaucoup. Dernier intervenant mais non des moindres, le gentleman venu de France
Pierre Calame : Je voudrais élargir la discussion. Tout d’abord, j’ai travaillé avec des partenaires chinois pendant les vingt dernières années, et j’ai ainsi pu observer des changements spectaculaires chaque années, c’est fascinant. Mais concentrons - nous sur les cinq dernières années, lorsque que je disais à mes amis chinois : “vous allez droit dans le mur”, et eux de me répondre “écoute, on prend de l’âge, il faut que l’on devienne riche avant d’être vieux, sinon qui va payer pour les personnes âgées ?”. Récemment ce que j’entends est totalement différent, les gens disent plutôt “ avec ce que l’on est en train de faire, on sera mort avant d’être vieux, parce qu’on va droit dans le mur”. Alors, comme je l’ai dit : “il n’est pas seulement question d’un mauvais développement chinois, il est surtout question d’un modèle global et durable de développement ". Et nous devons résoudre la situation ensemble.
Ma seconde remarque est la suivante, en effet, nous connaissons l’humiliation subie par la Chine lors des guerres de l’opium au 19ème siècle, nous sommes conscients que la Chine est ensuite quasiment devenue une colonie de l’Occident. Après ces évènements, les intellectuels chinois ont pris l’habitude de dire “nous avons manqué les étapes de l’innovation technologique, nous devons imiter l’Occident”. Bien sûr si vous regardez le PIB par habitant, vous pouvez vous considérer comme un pays en voie de développement, mais d’un autre côté vous ne l’êtes pas. La ville de Shanghai n’a rien à voir avec un pays en voie de développement. Je me souviens, je donnais un cours à des étudiants chinois, je leurs disais que nos sociétés sont fatiguées, que depuis le 16ème siècle elles ont mené le monde, pour le meilleur et pour le pire, avec le vent de face comme des coureurs en tête de peloton. Aujourd’hui, c’est à la Chine d’avoir le vent de face, et vous ne pouvez plus nous imiter, sinon vous courrez à votre perte.
Maintenant vous êtes avec nous, dans le peloton de tête et nous devons courir ensemble pour trouver de nouvelles solutions. Cela change tout, y compris le fait que vous imitez le style occidental et construisez des imitations qui n’ont absolument rien à voir avec votre culture. J’ai cité, lors de notre conférence, les mots exceptionnels de Jean Monnet, l’un des fondateurs de l’Union Européenne, construite après la Seconde Guerre Mondiale. Après cette guerre et les nazis, pouvez-vous imaginer la rancœur des Français envers les Allemands ? Alors Jean Monnet a rassemblé des personnes venues d’Allemagne, de France, des Pays-Bas, d’Italie.. des six pays fondateurs, et alors qu’ils allaient s’asseoir autour d’une même table, Jean Monnet a dit : “Maintenant vous êtes du même côté de la table et vous faites face à nos défis communs”. C’est de cette manière que nous avons construit l’Europe.
Et maintenant c’est la façon dont nous devons construire le monde. J’étais présent lors de la conférence Rio+20 l’an passé, un échec total, pourquoi ? Parce que nos gouvernements sont fermement enracinés dans le concept de souveraineté, dans cette vieille idée selon laquelle “nous devons confronter nos intérêts nationaux respectifs”, mais les intérêts nationaux n’existent pas par essence, non, ils existent seulement parce qu’il y a des Etats et ces Etats ne savent rien faire de mieux que de confronter leurs intérêts. Ils font partie du problème, pas de la solution, vous devez comprendre ça. Nous devons nous asseoir du même côté de la table, nous rendre à l’évidence que notre modèle actuel n’est absolument pas durable et que les gens ne sont pas heureux. Lorsque vous regardez toutes les analyses qui ont été faites et que vous essayez de trouver une corrélation entre la richesse et le bonheur, vous vous rendez compte que depuis les années 60 il n’y a plus de corrélation entre cette richesse matérielle et le bonheur. Et pourtant nous mesurons toujours notre prospérité avec le même PIB qui ne mesure absolument pas le bonheur. Ce n’est pas la question de l’Espagne qui redevient compétitive par rapport à la Chine. Le problème est pour l’Espagne, la Chine et la France d’inventer un nouveau modèle. Vous êtes un des coureurs de tête, vous devez vous placer du même côté de la table et faire face à la transition.
Ma troisième remarque est la suivante : Qu’apprenons - nous de la coopération ? J’ai participé à des coopérations internationales et dans de nombreux domaines lors de ces vingt dernières années. J’ai appris qu’il n’y a pas de modèle universel, qu’il n’existe pas, comme le prétend la Banque Mondiale, cette idée absurde de bonnes pratiques et de bonne gouvernance. Cela n’existe pas. Quelle est l’utilité de la coopération internationale ? La coopération internationale est absolument essentielle pour toute nation ou tout peuple afin d’apprendre et d’innover. Ce que nous apprenons les uns des autres sont les principales questions que nous devons résoudre. Finalement, j’ai appris de mes 30 ans dans le domaine de la coopération internationale que ce ne sont pas les solutions qui sont identiques, mais les questions. Et résoudre les bonnes questions, faire une liste des priorités parmi moins de dix questions, ça c’est une stratégie. Et c’est une aide incroyable que nous pouvons recevoir d’Afrique ou d’Amérique Latine, il n’y pas de leçon du plus riche au plus pauvre. Cela vient de votre propre expérience. Par exemple, si nous nous asseyons du même côté de la table aujourd’hui, quel est le défis qui nous attend ? La transition vers une société durable. Et que pouvons-nous apprendre les uns des autres ? Prenez Stockholm, un très bon exemple d’éco-cité dans la culture suédoise. Ce qu’il faut retenir de cet exemple ce ne sont pas les solutions mais la manière dont ils ont procédé, le processus qu’ils ont utilisé. Ce qui est très important dans notre Forum Chine-Europe, c’est premièrement que nous avons appris à nous écouter les uns les autres afin de découvrir, derrière nos différences, les défis communs. Deuxièmement nous avons appris que de discuter avec les autres nous aide à réfléchir sur notre propre situation, un peu comme si l’on avait besoin d’un miroir.
Maintenant, permettez-moi de donner quelques exemples concrets sur la façon de passer d’un environnement qui n’est pas durable à un environnement durable. Maurizio, avec les chaînes d’approvisionnement agroalimentaires, a donné un très bon exemple. Il n’y aura des sociétés durables qu’à deux conditions : des chaînes d’approvisionnement durables et des villes durables. Ceux sont les acteurs clé du futur. Nous devons apprendre à construire une chaîne d’approvisionnement durable. Un autre exemple de changement spectaculaire en cours en Chine : il y a dix ans, si vous parliez de chaînes globales d’approvisionnement et de développement durable, les chinois disaient “Hé ! Vous êtes en train de mettre en place des barrières non fiscales au commerce international, vous essayez de créer des clauses sociales, écologiques, parce que vous êtes moins productifs et plus âgés, vous voulez changer les règles du jeu”. Aujourd’hui j’entends quelque chose de différent : “ Si nous luttions aux côtés des Européens, pour définir et développer une chaîne d’approvisionnement durable cela serait d’une grande aide pour la Chine, parce qu’alors nous pourrions développer de nouvelles technologies, et nous gagnerions le respect de la population”. Vous seriez alors productifs et efficaces, et vous arrêteriez de vous détruire vous-mêmes.
Nous devons changer notre modèle économique à l’échelle internationale. Par exemple, si nous n’atteignons pas un juste partage des ressources naturelles et des énergies fossiles nous allons entrer en guerre que ce soit à propos de l’Asie Centrale, à propos du contrôle des ressources en Amérique Latine, ou en Afrique. A un certain moment la Chine, au 3ème rang pour la possession de ressources naturelles et d’énergies fossiles, va se battre. La seule solution est un partage équitable des ressources. Notre marché ne peut pas offrir ce partage équitable, un partage équitable signifie des quotas. Il faut savoir que le marché est extrêmement efficace mais pour une catégorie de biens et de services uniquement. Si l’on applique les lois du marché aux énergies fossiles ou à l’eau, alors les plus pauvres mourront de faim et tout le bénéfice ira aux plus riches. Nous devons inventer un nouveau régime gouvernemental. Le marché est inefficace pour les ressources naturelles, inefficace pour l’intelligence, inefficace pour les écosystèmes parce que si vous tentez de vendre un écosystème, vous le détruisez. Vous devez comprendre que le marché est très efficace pour une catégorie de biens spécifiques qui sont les services à la personne ou encore l’industrie où il est possible de produire une vaste gamme de produits avec de la créativité et du travail. Mais en ce qui concerne les autres biens et services, c’est différent. Alors la première recommandation est la suivante : changez simplement la formation de vos jeunes économistes !
YANG Yanqing:Il est très instructif de se remémorer ce que les Pères de l’Europe ont accompli lorsqu’ils avaient mis en place un cadre industriel et lorsque l’Euro a été créé. Mais aujourd’hui lorsque vous regardez ce qu’il se passe dans la Zone Euro, vous pouvez voir les problèmes de la Grèce, de l’Espagne, aujourd’hui c’est au tour de la Chypre. Tout semble être sur la mauvaise voie si l’on considère les plans dessinés par les Pères Fondateurs il y a si longtemps.
Pierre Calame:Nous ne sommes pas sur la mauvaise voie. Les Pères Fondateurs avaient un seul objectif : la PAIX. Pas la prospérité, pas l’Euro, pas la compétitivité ; la PAIX, surmonter les nationalismes, surmonter l’idée selon laquelle quand vous aviez des problèmes vous pouviez les transmettre aux autres, trouver des boucs émissaires, et quand vous étiez confrontés à une crise alors une bonne guerre ramènerait la prospérité. Aujourd’hui le problème est au niveau mondial, la paix est en jeu à cause de la nature du modèle de développement que nous avons créé, à savoir le fondamentalisme de marché, et à cause de la vision arriérée que nous avons de la diplomatie. Cela signifie que lorsque nous faisons face à des défis à l’échelle mondiale, nous ne sommes pas du même côté de la table. Les Pères Fondateurs ont réussi, une paix durable comme nous n’en avons jamais connue a été établie en Europe. Pour notre génération c’est un miracle et tout le monde partout dans le monde en est conscient.
Aujourd’hui si l’Europe a d’énormes difficultés, c’est à cause de son succès. Nos institutions ont été créées pour six pays de l’Europe de l’ouest et du sud, et qui se connaissaient très bien. Par la suite l’Europe est devenue une référence en matière de démocratie. Puis, dans le sud de l’Europe, après la seconde guerre mondiale, il a eu la terrible guerre civile en Grèce, il y a eu la terrible guerre civile en Espagne, la dictature au Portugal, et lorsqu’ils ont pu surmonter tout ça, ils ont pensé qu’il n’y avait qu’une seule solution, entrer dans l’Union Européenne.
Lors du premier Forum Chine Europe qui s’est tenu à Nansha, près de Canton en 2005, le sujet était : La Chine peut-elle apprendre de la construction européenne ? L’ancien gouverneur de Catalogne, la province la plus importante en Espagne, était présent et a vivement déclaré : “pour nous, rentrer dans l’Union Européenne, c’était s’enraciner fermement dans la démocratie et s’ancrer dans la modernité.” Comment pouvions nous leur refuser l’accès à l’Union Européenne ?
YANG Yanqing:Est-ce que vous voulez dire par là que l’Union Européenne est trop vaste ? Qu’elle comprend trop de pays ?
Pierre Calame:Trop d’Etats, une croissance trop rapide, et la création d’une monnaie unique en l’absence d’une intégration politique et économique. Nous ne pouvions pas refuser la Pologne, ni même la Roumanie, si éloignées de nos standards. Nous savions qu’ils trichaient lorsque nous avons déclaré que telles étaient les conditions pour s’intégrer à l’UE, nous savions qu’ils trichaient, mais il y avait un besoin réel d’intégrer l’Union Européenne. Nous sommes maintenant 27 Etats avec des institutions construites pour 6, nous n’aurions pas dû inclure autant de pays dans la monnaie unique, nous en payons aujourd’hui les conséquences. Mais il était extrêmement difficile de refuser l’accès à d’autres pays, parce que nous faisons partie d’une même communauté. Nos difficultés actuelles sont directement liées à notre succès et nous devons y faire face et nous y ferons face.
Marc Glaudemans:Bien-sûr il y a différents niveaux pour aborder ce problème et l’un d’eux est le niveau politique. Mais d’après moi, il est clair que la crise actuelle dans les pays du sud de l’Europe n’est pas un problème strictement européen. Le système financier est global. Cela n’a quasiment rien à voir avec les Etats ou même les Continents, cela peut arriver n’importe où, c’est lié au caractère global de notre système financier. Très peu de pays dans le monde sont en réalité à l’abri de ça.
YANG Yanqing:Alors, qui doit être mis en cause dans cette crise ? Je veux dire parmi les pays du sud de l’Europe.
Marc Glaudemans:Je ne sais pas, plusieurs je suppose…
Maurizio Mariani:Aujourd’hui, en Europe, nous sommes confrontés à des vagues de nationalisme dans de nombreux pays. Et c’est quelque chose qui va à l’encontre de l’Europe. Nous n’avons pas d’autre choix aujourd’hui que de finir la construction de l’Europe. Le système monétaire est fait, il serait stupide de revenir en arrière, nous devons finir ce que les Pères Fondateurs ont commencé, le processus de paix est accompli, et maintenant nous devons achever la construction de l’Europe. Ce n’est pas facile avec 27 pays, pas facile non plus avec 12 ou 15, mais nous sommes 27. Et puisque l’on parle de compétitivité dans le monde, nous, 27 pays, représentons un demi-milliards de personnes, que pensez-vous qu’il se passera si nous commençons à diviser l’Europe ? Nous avons besoin de l’unification de l’Europe, nous avons besoin d’un système économique et nous avons besoin d’un système politique qui surpasse les intérêts de n’importe quelle nation ou de n’importe quel Etat membre. Nous devons achever le processus de cohésion sociale, de cohésion politique et de cohésion des richesses en Europe, c’est la seule solution.
YANG Yanqing: Merci beaucoup. Revenons à la Chine. J’ai deux questions. La première : quel est selon vous le maillon faible de la Chine ? La seconde : quelle est la chose la plus importante que la Chine doit éviter à la lumière de l’expérience européenne ?
Marc Glaudemans: En ce qui concerne la dernière question, votre système financier n’est pas tellement intégré au système financier global, comme en Europe, alors évitez-cela, parce que le fait d’être moins vulnérable à ces forces difficilement contrôlables vous sera énormément utile. Il est difficile de répondre à la question sur le maillon faible. Probablement que c’est aussi philosophique, le maillon fort et le maillon faible sont sans doute les mêmes. Le maillon fort est toujours le peuple, mais bien-sûr il y a un risque, bien que la Chine soit un seul pays, elle abrite énormément de monde et ces gens ne sont pas tous les mêmes.
Pierre Calame:La plus grande faiblesse est le poids de l’histoire et a deux dimensions : le ressentiment et l’obsession de la souveraineté. Vous êtes en train de devenir un acteur global et conformiste, car vous avez pris l’habitude de suivre, mais vous devez devenir leaders dans un nouveau genre d’éducation. Vous devez apprendre à inventer, apprendre à critiquer les postulats enseignés aux enfants. Par exemple, je suis fasciné par le fait que le conformisme de notre fondamentalisme de marché soit passé des Etat-Unis à la Chine au moment même où le fondamentalisme de marché est devenu mortel. Comprendre les limites du marché est une question de survie. Je regarde tout ces brillants étudiants ici, auxquels on enseigne des choses absolument stupides sur l’économie - en copiant simplement ce qui a été écrit à Harvard 40 plus tôt.
YANG Yanqing:Vous voulez dire en matière d’économie ou de sciences économiques ?
Pierre Calame:Le grand économiste anglais Keynes a dit “ les dirigeants politiques sont les esclaves d’économistes morts depuis longtemps et dont ils ignorent même le nom”. L’économie est enseignée comme une science naturelle, je suis un mathématicien, je suis un scientifique et je suis un économiste. Mais ce n’est pas le cas, c’est une science sociale, à chaque période il faut inventer, j’ai écrit un livre qui a d’ailleurs été traduit en chinois, intitulé “De l’Economie à l’Oeconomie” afin de rappeler que jusqu’au 18ème siècle, ce que nous appelons aujourd’hui l’économie se disait “Oeconomie”, qui signifie “l’art de gérer son foyer”. Mais pour des siècles, le problème a été “d’assurer le bien-être de la famille, du groupe, de la nation et maintenant de la planète, en prenant en compte la pénurie de ressources”. A cause de l’histoire particulière de la modernisation en Occident, lorsque nous pouvions nous emparer des ressources naturelles du monde entier, nous avons émis de nouveaux postulats en économie. Ces postulats construits aux 18ème et 19ème siècles sont aujourd’hui entièrement faux. Mais ils sont toujours enseignés parce que vos dirigeants sont “les esclaves d’économistes morts depuis longtemps, et dont ils ignorent même le nom”.
Nous devons réinventer et c’est très stimulant, vous mes amis, vous allez devoir inventer le monde de demain et non pas simplement suivre l’Occident. Nous sommes fatigués, nous avons besoin de vous pour inventer et nous inventerons ensemble si nous nous asseyons du même côté de la table et oublions les ressentiments. Nous devons mener le monde ensemble.
YANG Yanqing:Merci Beaucoup
Forum Chine Europe
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